Aux yeux de l’Occident, la peinture russe commence avec les avant-gardes du début du XXe siècle, avec le Carré noir de Malevitch, et se poursuit par le réalisme socialiste officiel de Staline.
Grandeur et décadence. Avant cela, il existe tout au mieux les icônes. Pourtant, l’art russe possède sa propre histoire, plus ancienne et plus complexe, dont il faudra bien, un jour, tirer le fil. C’est ce dont veut nous faire prendre conscience le livre qui paraît aujourd’hui aux éditions mare & martin : Penser l’art russe du XIXe siècle, 30 tableaux vus autrement. Un ouvrage au titre politique, composé dans une période non moins politique : la guerre en Ukraine. S’il est apparu difficile aux initiateurs de ce projet d’écrire, dans le contexte actuel, une histoire générale de l’art russe, ceux-ci ont donc choisi de se concentrer sur une période, le XIXe siècle, largement éclipsée par la toute puissante littérature de Tolstoï et de Gogol. Éclipsée aussi par l’art européen, le naturalisme, l’impressionnisme, le symbolisme… En dehors de l’Europe, point de salut ! « Est-ce parce qu’il paraît au public européen inférieur en qualité, au regard des autres écoles nationales qui se forment et qui prospèrent au XIXe siècle ? », s’interrogent Philippe Malgouyres et Olga Medvedkova. « Certainement pas. Cette peinture n’est pas moins riche que la peinture anglaise, allemande, suédoise, etc., de la même période », poursuivent les deux historiens de l’art qui ont dirigé le livre. À une histoire linéaire, qui serait par trop difficile à écrire, les directeurs de l’ouvrage ont donc préféré la forme du recueil d’essais : trente articles confiés à des auteurs de différentes nationalités (française, russe, américaine, etc.) et venus d’horizons divers (l’histoire de l’art, les musées, la littérature ou la philosophie, etc.). Dans chacun des textes, chaque auteur éclaire « à sa façon » une œuvre phare du XIXe siècle russe. Laurence Bertrand Dorléac, par exemple, analyse L’Apothéose de la guerre (1871) de Vassili Verechtchaguine, peintre qui fut assez célèbre pour donner son nom à une ville en 1916. Ce tableau étonnant, pour ne pas dire dérangeant, représente une montagne de crânes recouverte de corbeaux dans un paysage désertique ; l’occasion pour l’historienne de l’art, spécialiste de la nature morte, d’évoquer la peinture de guerre, l’histoire de la vanité, la lecture colonialiste de l’art, etc. Olga Medvedkova, elle, se penche sur Les Haleurs de la Volga (1873) d’Ilia Répine, tableau dans lequel elle voit « du plaisir », « dans ce paysage de plage lumineux, dans ces terres et ces corps ».
Chaque essai est illustré par le tableau commenté et documenté par une série de reproductions d’œuvres ou de photographies. Si Penser l’art russe du XIXe siècle nous entrouvre les portes de la peinture russe de cette période, il nous fait aussi prendre la mesure du travail qu’il reste à accomplir pour faire sortir au grand jour l’histoire de l’art de la Russie, qui reste encore à écrire.
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Penser l’art russe du XIXe siècle
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°765 du 1 juin 2023, avec le titre suivant : Penser l’art russe du XIXe siècle