Fondation Cartier - Artavazd Pelechian n’avait pas tourné depuis 27 ans. À vrai dire, on avait presque oublié qu’il était encore vivant.
Or, voilà qu’à 82 ans, le cinéaste arménien présente La Nature, son nouveau film, à la Fondation Cartier. Entre 1964 et 1994, Pelechian a réalisé unequinzaine de courts et moyens métrages. En noir et blanc, sans dialogue, ses œuvres mêlent archives et prises de vues documentaires. Il est surtout l’un de ces rares metteurs en scène à avoir inventé un langage singulier, un art de sculpter les images qui n’appartient qu’à lui. Artiste ermite, Artavazd Pelechian est une figure mythique de la cinéphilie. En 2005, avant de s’évaporer pour de nombreuses années, il a répondu à une commande de la Fondation Cartier et du ZKM Filminstitut de Karlsruhe (Allemagne). La Nature marque l’aboutissement de cette collaboration. On pourra le voir comme un reportage visionnaire, en direct de l’apocalypse à venir. Pelechian assemble une heure de tsunamis, tornades, séismes et autres éruptions. Des villes valdinguent, des maisons se désossent… des images d’actualité percutent des séquences captées au téléphone portable. Le film s’ouvre par des montagnes, des dunes, des vagues de nuages. L’alternance fondamentale du clair et de l’obscur. Il s’achèvera sur le retour de la lumière. La Nature paraît d’abord jetée à la face du spectateur avec la violence d’un orage. Puis ce chaos se fait symphonie et ce maelström devient une poésie, ou peut-être une fable.À ses murs, la Fondation expose le synopsis du film. « C’est un appel imagé pour que les gens ne soient pas seulement occupés à lutter les uns contre les autres […], un appel à la nécessité de s’unir afin de résister d’un commun effort aux différentes menaces de la nature, au nom de la défense de la sauvegarde de toute civilisation. » Ce sont bien les hommes qu’il faut regarder. Minuscules, acharnés à ne pas disparaître. Tel est peut-être le rôle des catastrophes : nous apprendre à organiser notre survie. Face à La Nature, sous le fragile bouclier de nos masques, nous songeons aux secousses du temps présent. Le film de Pelechian résonne avec Wuhan, ville close (Stock), journal de la romancière chinoise Fang Fang, confinée dans le berceau de l’épidémie de Covid -19. « Partageant le même sort, écrit-elle, traversant les mêmes épreuves, pourquoi sommes-nous si pressés de nous entretuer ? »
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Pelechian retrouvé
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°739 du 1 décembre 2020, avec le titre suivant : Pelechian retrouvé