Un ouvrage collectif revient sur la difficulté de décrire les œuvres d’art.
« Je vous décrirai les tableaux, écrivait Diderot en tête de son Salon de 1765, et ma description sera telle qu’avec un peu d’imagination et de goût on les réalisera dans l’espace et qu’on y posera les objets à peu près comme nous les avons vus sur la toile. » Les historiens, les critiques ou les écrivains qui entreprennent de décrire une œuvre ne sont pas toujours aussi optimistes sur les effets de leurs descriptions. Il est arrivé à Diderot lui-même de confesser les difficultés de l’entreprise qui consiste à rendre pratiquement visible à l’esprit du lecteur ce qu’il n’a pas sous les yeux. La description des œuvres d’art est, comme le remarque Olivier Bonfait, à la charnière de la création et de la réception, mais aussi des différentes conceptions de l’image et de l’art qui se sont succédé depuis la Renaissance. Impossible en effet de décrire un tableau sans préalablement s’assigner des buts et s’octroyer des moyens analytiques et rhétoriques, lesquels vont varier considérablement d’une époque à l’autre comme d’un pays à l’autre.
Fiction de l’idéal descriptif
Le présent recueil rassemble des communications (en français, en italien et en anglais) prononcées au cours d’un colloque qui s’est tenu à la villa Médicis à Rome en 2001. Des modèles descriptifs concurrents en France et en Italie au XVIIe siècle aux défis posés par l’art moderne (Gauguin, Ryman), il est évident que la question ne saurait être sous-estimée puisqu’elle cristallise des options esthétiques et idéologiques. Le regard reste tributaire de la faculté à le dire, et il est aussi bien formé par l’expérience directe que par l’assimilation des discours. Le va-et-vient est constant, comme en témoignent si bien les échanges que Poussin et Giovanni Pietro Bellori eurent à ce sujet. La description est semblable à la traduction dans certains des problèmes qu’elle affronte : fidélité à l’original ou trahison respectueuse, le conflit entre la lettre et l’esprit se poursuit sans fin et sans résolution possible. Les tentatives formalistes échoueront toujours à restituer la grâce d’une peinture, les partis pris poétiques courront toujours le risque du subjectivisme. Les modèles antiques de l’ekphrasis, que ce soit le bouclier d’Achille peint par Homère au chant XVIII de l’Iliade ou les Images de Philostrate, sont demeurés une référence alors même qu’ils restituaient des objets qui n’existaient vraisemblablement pas : dans son achèvement littéraire, l’idéal descriptif reste une pure fiction.
Au début du XIXe, la question est devenue encore plus aiguë : comment « décrire le rien » des paysages de Constable ? La description serait-elle condamnée, face à un monochrome par exemple, à devenir une expérience de la déception ? L’abstraction puis le minimalisme ont contribué à asseoir la nécessité des reproductions photographiques, modifiant ainsi en profondeur le rapport à l’original, au risque de nouveaux malentendus que ne connaissaient pas les scrupuleux rapports de Bellori.
Ouvrage collectif sous la direction d’Olivier Bonfait, La Description de l’œuvre d’art. Du modèle classique aux variations contemporaines, « Collection d’histoire de l’art de l’Académie de France à Rome », Somogy éditions, 2004, 340 p., 25 euros. ISBN 2-85056-664-0
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Peindre avec les mots
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°199 du 24 septembre 2004, avec le titre suivant : Peindre avec les mots