Patrick Le Nouëne, directeur du Musée des beaux-arts d’Angers, présente La Poursuite et La Surprise de Jean-Honoré Fragonard.
Deux esquisses de Jean-Honoré Fragonard, La Poursuite et La Surprise, ont pris place sur les cimaises du Musée des beaux-arts [d’Angers] à côté d’autres tableaux du peintre : Corésus et Callirhoé (1765), Céphale et Procris et Jupiter séduisant Callisto sous les traits de Jupiter, œuvres de jeunesse longtemps attribués à son maître François Boucher, provenant du legs Jean-Jacques Buboys en 1882, et une petite toile légère, La Nymphe Io et Jupiter, léguée par Jean Robin en 1865.
Attachées à la commande que la comtesse du Barry, maîtresse de Louis XV, passe à l’artiste pour la décoration du salon de son château de Louveciennes (Yvelines), La Poursuite et La Surprise sont préparatoires à deux des quatre toiles sur le thème des « quatre âges de l’amour » auxquelles Fragonard travaille au début de l’année 1771. Elles occupent une place charnière dans l’histoire de l’art et du goût au XVIIIe siècle.
La première esquisse, La Poursuite, met en scène les émois d’un jeune homme qui surprend une jeune fille et à laquelle il offre une rose. Troublée, celle-ci adopte une attitude équivoque et tente d’échapper à son fervent, courant et se retournant à la fois, les bras tendus en sens contraire. Tout en partageant esclaffements effarouchés, bruissements de robes et chutes amusées avec ses trois compagnes, elle semble hésiter entre le refus et l’acceptation.
Le titre de la deuxième esquisse, La Surprise, a varié : L’Escalade est parfois devenu Le Rendez-Vous ou L’Amoureux hardi. Récemment, Jean-Pierre Cuzin a suggéré L’Assaut (1). Il s’agit du deuxième âge de l’amour, la période des premières audaces, des premiers rendez-vous, des rencontres seul à seul dans des lieux isolés. Le minois du jeune homme surgit timidement en haut d’une échelle qu’il vient d’escalader et se retourne vers la jeune fille qui l’attend.
Pour une double raison – la lenteur de Fragonard à répondre à la commande qui lui avait été passée, même si l’on sait que les quatre panneaux étaient en place en mai 1772, mais, surtout, le changement de goût en ces dernières années du règne de Louis XV –, après les avoir payées, la du Barry les retourne à son auteur (elles aboutiront à la suite de plusieurs péripéties en 1915 au Frick Museum à New York). Elle en commande d’autres à un jeune peintre néoclassique à la mode,
Joseph Marie Vien (1716-1809), sur un thème légèrement différent, les Progrès de l’amour dans le cœur des jeunes filles.
Ainsi, juste avant son second voyage à Rome en octobre 1773, Fragonard est évincé d’une commande flatteuse par un peintre de la nouvelle génération, comme il le sera la même année par Jacques-Louis David pour l’hôtel parisien de Melle Guimard.
(1) Jean-Pierre Cuzin, Fragonard. Vie et Œuvre, Fribourg, Suisse, 1987, p. 152.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Patrick Le Nouëne, directeur du Musée des beaux-arts d’Angers
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°222 du 7 octobre 2005, avec le titre suivant : Patrick Le Nouëne, directeur du Musée des beaux-arts d’Angers