Historien spécialiste du Moyen Âge et de la Renaissance, professeur au Collège de France, Patrick Boucheron relève le défi de montrer l’art les yeux fermés, dans « Allons-y voir ! » sur France Culture, chaque dimanche.
La case occupée par l’émission est celle dévolue, depuis quelques années, à l’histoire de l’art. La position dans la grille de cette émission imposait un rythme calme, posé, savant, et de soutenir le regard, pendant une heure, sur une œuvre d’art. J’ai eu à cœur d’essayer de trouver la bonne manière de servir le média radiophonique.
J’ai toujours cru dans le pouvoir de description, d’évocation et d’imagination de la langue. On est au cœur de la problématique de cette émission. J’ai publié chez Verdier un essai, Léonard et Machiavel, qui faisait le choix de parler d’images sans les montrer. L’historien de l’art Daniel Arasse a montré ce chemin. Il est pour moi une référence, lui qui disait qu’« un historien de l’art, c’est quelqu’un qui donne à voir ».
Parler d’une œuvre qu’on ne verra pas en faisant confiance à l’imaginaire des auditeurs suppose un déplacement : passer de l’image à l’imaginaire, en sortant du musée et de l’actualité de la programmation culturelle, est un geste radical. C’est la puissance imaginante de l’histoire qui est notre objet. D’où ces émissions monographiques, monothématiques autour d’une seule image. Mais il nous semble aussi utile qu’une fois par mois, nous puissions nous réunir, avec quelques « sociétaires », de manière à proposer aux auditeurs un format plus collectif et plus actuel, de donner à voir d’autres images qui peuvent aussi nous regarder.
Cette « académie » est en effet un espace de discussion très libre, qui nous permet de traiter, sous forme de tribunes, une actualité du monde de l’art sans que ce soit une émission de critiques, qui existe déjà sur France Culture. La radio, comme média, a son vocabulaire et ses codes, mais je voulais que chacun puisse sortir de la forme radiophonique de la chronique, qui consiste, au fond, à laisser chacun dans son couloir de nage. L’idée, c’est de rentrer dans une conversation. Je ne dis pas que c’est facile, parce que c’est une école du regard et de l’écoute.
Nous proposons aux auditeurs de s’installer avec nous dans un temps long. C’est une condition pour laisser les images venir à leur rythme et libérer l’imaginaire. Et cela permet de nous perdre et de nous retrouver. On ne regarde pas la pendule, on sait qu’on va y arriver.
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Patrick Boucheron : « Passer de l’image à l’imaginaire est un geste radical »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°780 du 1 novembre 2024, avec le titre suivant : Patrick Boucheron : «Passer de l’image à l’imaginaire est un geste radical »