« si j’allais dehors les fauves viendraient manger dans ma main et ma chambre n’en apparaîtrait que hors de moi d’autres salaires iraient autour du monde mis en pièces mais qu’y faire aujourd’hui c’est jeudi et tout est fermé il fait froid et le soleil cingle celui que j’ai pu être et l’on n’y peut rien tant de choses sont arrivées faire tirer par les cheveux dans l’arène les racines marquées aux portraits sans faire cas de l’assistance du jour aujourd’hui a été réussi et le chasseur rentre gibecière à pic bonne année pour de telles marinades »…
C’est le 18 avril « XXXV » à Boisgeloup, en lettres minuscules et sans virgules, que commencent les écrits, majuscules, de Picasso. Guernica n’est pas encore accouché, mais le maître est déjà le peintre le plus important que le XXe siècle ait porté. Sans jamais poser son pinceau, Picasso reprendra régulièrement la plume jusqu’au 20 août 1959 et ces mots – toujours – énigmatiques : « un oignon déroule ses cordes dans le réveil caramel de la lune – les dentelles argentées que lèvent les pigeons roucoulent leurs chagrins », mettant ainsi un point final à un œuvre que l’on appelle aujourd’hui : Écrits. Une première fois édités en 1989, les écrits de Pablo Picasso reparaissent aujourd’hui, complétés et annotés, dans la collection Quarto Gallimard, soit 340 textes poétiques et deux pièces de théâtre, dont la satyrique Désir attrapé par la queue (1941), en français et en espagnol. L’édition est présentée et annotée par Marie-Laure Bernadac et Christine Piot, deux spécialistes de l’artiste, accompagnée par la reproduction de 225 documents (photographies, carnets, morceaux de journaux annotés, gravures, dessins…) et par le texte de Michel Leiris qui servit de préface à l’édition de 1989 et qui nous livre ce précieux éclairage : « Soumis à nulle contrainte d’euphonie, de rythme ni même de sens rationnel et dans une veine plus voisine (dans l’ensemble) du nihilisme dada que du surréalisme, école buissonnière, marche au gré des rencontres, dérive au fil des mots comme au fil des idées (celles-ci ne pouvant exister sans ceux-là qui sont en quelque sorte leur substance et point seulement leur véhicule). »
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Pablo Picasso, Écrits, 1935-1959
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°752 du 1 mars 2022, avec le titre suivant : Pablo Picasso, Écrits, 1935-1959