Le projet de ce livre a le mérite de la clarté : réunir tous les portraits sculptés connus, exécutés du vivant de l’Empereur. Entre Houdon et Canova, voici enfin l’occasion de découvrir le génie de Corbet ou de Moutony.
L’ouvrage passe donc en revue un régiment de bustes, statues en pied, statues équestres, statuettes et petits groupes, selon un plan de bataille dont l’audace force l’admiration. Quelle conclusion tirer de cette stratégie à tiroirs ? Une réflexion sur l’effigie impériale, sur les décisions iconographiques voulues par l’Empereur ou par Vivant Denon, son « ministre des arts » (L’Œil n°512), quelques idées sur cet extraordinaire cas d’une physionomie changeante, si différente d’elle-même d’année en année et immédiatement identifiable ? Comment le visage du général Bonaparte se superpose-t-il, dans le travail des artistes, avec les traits de Napoléon Ier ? Rien de cela dans cet ouvrage. Les seules réponses apportées sont de cet ordre : « Les meilleurs maîtres français ont tenté d’unir la recherche d’une ressemblance relative à l’idéalisation nécessaire aux effigies officielles. » Car, pour les auteurs, l’unique critère permettant de juger de l’intérêt d’un portrait, c’est le degré de ressemblance avec le modèle. Ils concluent superbement : « La postérité utilisera largement ce fonds de portraits contemporains, pour créer une légende affadie ou outrée, nuisible à la vérité. » Comme si nul n’avait écrit sur l’art du portrait, ni sur l’intérêt historique de la légende napoléonienne. On pouvait attendre mieux, de la part de deux connaisseurs réputés de l’histoire de l’Empire, que ce paquet de fiches mises bout à bout, exemptes de vraie réflexion, assorties de clichés flous, surexposés et souvent mal découpés. Cette fois, c’est le peu de travail effectué par l’éditeur – qui consacre une pleine page à glorifier le caractère Bodoni dans lequel ce livre pour esthètes a été composé – qu’il faut incriminer. Si l’on n’est pas un marchand d’art cherchant à expertiser un buste, mieux vaut lire Les Mille visages de Napoléon de Michel Cauvin (L’Harmattan, 1999), un ouvrage intelligent publié, certes moins luxueusement. Philosophe et historien, il décrypte l’imagerie napoléonienne autant que les portraits contemporains de l’Empereur. On peut aussi rêver de ce qu’aurait écrit Cauvin si un éditeur inventif l’avait laissé travailler avec les fiches des deux autres.
Gérard Hubert et Guy Ledoux-Lebard, Napoléon, portraits contemporains bustes et statues, éd. Arthena, 248 p., 320 F, ISBN 2-903239-25-8.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Napoléon, portraits contemporains
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°515 du 1 avril 2000, avec le titre suivant : Napoléon, portraits contemporains