PARIS
Disponible parmi les bouquets d’abonnement de Canal+, la chaîne dédiée à l’art revendique un million de téléspectateurs par mois.
Il est toujours appréciable de pénétrer dans un musée vide, car fermé au public. On le fait ce jour-là, à la suite du binôme de « Visite privée », nouvelle émission lancée par la chaîne Museum en ce mois de février. Une réalisatrice, un cameraman, l’équipe est réduite. Et la commissaire de l’exposition consacrée à Jean-Jacques Lequeu, au petit Palais, légèrement nerveuse avant sa prestation. Pas de maquilleuse ni de répétition, juste un repérage rapide dans les salles avant de donner le top départ d’un long plan-séquence de treize minutes tourné caméra à l’épaule. Mieux vaut ne pas bafouiller dans son micro. Mais cela peut arriver. On refait la prise. Une première, puis une deuxième fois. À la troisième, l’émission est dans la boîte. Vite, deux autres tournages sont prévus dans la journée. Ce format court propose au téléspectateur de découvrir des expositions sans bouger de son canapé. C’est l’une des productions originales de la chaîne thématique, la seule spécialisée dans les arts visuels, qui fêtera ses deux ans en avril.
Mission divertir
L’économie de moyens de Museum rappelle celle des radios libres des années 1980. D’ailleurs, Bruno Lecluse, le patron du groupe Secom – qui édite aussi les chaînes Melody et MyZen TV – a fait une partie de sa carrière sur la bande FM. En 2012, à l’occasion d’un rachat, il hérite de la chaîne Museum Purescreens, qui diffuse des images fournies par la Réunion des musées nationaux (RMN). Des gros plans sur des tableaux de maître assortis de musique d’ambiance. Un contenu assez pauvre : or une chaîne payante se doit d’offrir une valeur ajoutée à ses abonnés. Mais l’art a-t-il sa place sur le petit écran ? « La télévision est un média de masse, il fallait donc s’assurer que ce thème intéressait suffisamment de gens », explique Sébastien Meyssan, directeur de la chaîne. Selon lui, ce qui aurait semblé impossible il y a trente ans est devenu envisageable du fait de l’élargissement du public. Une divulgation de l’art à mettre au crédit des institutions culturelles – musées, centres d’art et autres Frac – et de la dimension de plus en plus événementielle des expositions, en partie liée à l’arrivée de fondations privées maîtrisant les règles de la publicité. Sans compter que l’œuvre d’art est entretemps devenue un marqueur de statut social, et que des disciplines alternatives comme le graffiti ont gagné en popularité, drainant de nouveaux collectionneurs. Jusqu’à Instragram, qui « en changeant le regard de ses usagers sur l’image, a profité à la diffusion de la photographie ». Bref, l’art serait devenu une bonne thématique télévisée. « On sait que deux millions de Français voient une exposition une fois par mois, observe Sébastien Meyssan. À l’échelle d’une chaîne thématique, c’est un cœur de cible énorme. » Dans quelle mesure peut-on concevoir des programmes grand public sur l’art ? Pour autant que l’on utilise les « nouveaux modes narratifs » en vogue dans l’industrie télévisuelle, laquelle a inventé ces dernières années un genre à succès, « le divertissement du réel ». Pour faire court, il s’agit d’appliquer les recettes addictives des séries au bon vieux documentaire, décliné en feuilleton : soit une dramaturgie qui ménage un suspense, des protagonistes auxquels s’attacher, des personnages secondaires récurrents à titre de clin d’œil pour les spectateurs les plus fidèles… À cette aune, la pêche au thon ou la vie d’un garage américain de banlieue ont un réel potentiel télégénique. Alors pourquoi pas les coulisses d’un musée ? C’est ce qu’entend démontrer Museum. Pour l’heure, sa grille horaire est découpée en quatre chapitres. « Beaux-Arts » s’intéresse à l’histoire de l’art ; « Images » à la photo et à la vidéo ; « Archi & Design » aux arts appliqués. « Art Pop », enfin, est un grand fourre-tout où l’on trouve des émissions sur le street art, l’art numérique, la sculpture sur glace ou la performance. « Marina Abramovic assise sur une chaise au MoMA (« The Artist is Present ») est plus proche de la démarche d’un jeune graffeur inconnu que d’un tableau de Van Gogh aux yeux des non-initiés », résume Sébastien Meyssan. Comprendre : Museum n’a pas pour mission d’éduquer, mais, comme n’importe quelle chaîne, de divertir. Toute la difficulté de l’exercice réside cependant dans la capacité à asseoir sa légitimité auprès des amateurs éclairés, tout en s’adressant au plus grand nombre. À l’arrivée, cela donne des documentaires relativement consistants doublés en VF (« Brillant Ideas »), des jeux (Art Quiz), des cours de dessin (Sketchbook), des concours de photo (Photo Contest) ou de peinture, un journal quotidien (Art News)… Un tiers des programmes est produit par la chaîne, qui lance en mars, « Une journée particulière » : 24 heures dans la vie d’un(e) professionnel(le) de l’art en mode « série du réel ». Sans doute faut-il laisser le temps de grandir à cette petite chaîne regardée « par un million de téléspectateurs chaque mois ». Son modèle économique, qui dépend de Canal+, reste fragile. Mais ce diffuseur exclusif lui assure une large couverture géographique ; déjà présente en Russie et en Ukraine, Museum est ainsi lancée cette année dans quarante-trois pays d’Afrique.
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Museum, la chaîne qui met enfin l’art au programme
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°720 du 1 février 2019, avec le titre suivant : Museum, la chaîne qui met enfin l’art au programme