Écrits d’artistes. Derrière un genre se cache une pluralité de catégories : essai, correspondance, journal, poésie, théâtre, roman… Il est ainsi parfois savoureux de voir cohabiter sur l’étagère d’un libraire le Journal de Delacroix avec L’Autre Côté : roman fantastique de Kubin, la pièce de théâtre de Picasso Le Désir attrapé par la queue avec les écrits théoriques et obsessionnels de contrôle de Buren. Hasard de l’édition, cette étagère s’enrichit de deux nouvelles anthologies d’écrits de deux hérauts de l’art contemporain d’après-guerre : Écrits, entretien, récits de Jacques Monory (Beaux-Arts de Paris éditions, 383 p., 25 €) et Écrits de Claude Viallat (éditions Ceysson, 480 p., 28 €).
Si les deux artistes incarnent des positions tranchées apparemment irréconciliables – étroitement lié au mouvement de la Figuration narrative apparu en France au début des années 1960, le premier (né en 1924) semble aux antipodes du second (né en 1936) qui a cofondé Supports/Surfaces en 1969 –, tous deux partagent une même passion inoxydable pour la peinture, l’écriture restant une pratique annexe : « À aucun moment il ne se considère comme un écrivain, même amateur », écrit ainsi Jean-Christophe Bailly à propos de Monory ; « Fragmentaires et circonstanciels, ses textes ne cherchent pas à constituer la figure d’un “auteur” », juge Pierre Manuel au sujet de Viallat. Ce qui n’empêche pas les deux préfaciers de penser que les écrits de leurs peintres respectifs, même confidentiels, forment les contours de deux écrivains : « C’est une véritable écriture, reconnaissable à son style, et presque aussi nettement que sont reconnaissables ses tableaux », écrit ainsi Bailly. C’est sans doute plus vrai pour Monory dont les écrits se composent pour l’essentiel d’un roman policier (Diamondback, paru en 1979) et de nouvelles où règne la même climat « noir » que dans sa peinture-cinéma – « Il désirait si follement avoir un revolver et massacrer tous ses bourreaux » (Diamondback). Quoique l’écriture de Viallat, parfois proche du style des notes de Duchamp, soit cohérente avec le travail du peintre abstrait – « Matisse = mise en évidence du matériau marquant couleur » (1970). Un seul regret : que les entretiens, même passionnants, prennent tant de place dans les deux anthologies. La parole n’est pas l’écrit, même pour le Méridional Claude Viallat… Mais sans doute que, sans eux, les deux recueils auraient été bien peu épais, au risque de faire passer les deux poids lourds en catégorie plumes.
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Monory et Viallat, deux écrits vains ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°676 du 1 février 2015, avec le titre suivant : Monory et Viallat, deux écrits vains ?