Les éditions Arthena publient la première monographie
sur un artiste longtemps négligé par la critique.
Formé auprès de François Lemoyne, lauréat du Grand Prix de Rome en 1721, reçu à l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1734, Charles Joseph Natoire (1700-1777) mit ses talents au service de la commande royale pour les châteaux de Fontainebleau, Versailles ou Marly, avant de repartir pour Rome en 1751 où il prit la direction de l’Académie de France.
Artiste emblématique du style Louis XV, Natoire est connu pour son cycle l’Histoire de Psyché venu orner le salon ovale de l’hôtel de Soubise, à Paris, et pour sa série de peintures illustrant l’Histoire de Don Quichotte destinée à être reproduite en tapisserie par la manufacture royale de Beauvais. La brillante carrière du peintre ne l’a cependant pas mis à l’abri d’une mauvaise fortune critique. Démodé de son vivant, décrié tout au long du XIXe siècle et jusqu’à la moitié du XXe siècle, il est alors considéré comme un artiste mineur sans réelle personnalité, ayant trop souvent cédé à la facilité et à la légèreté. En 1945, le catalogue raisonné de son œuvre marque les débuts d’une lente réhabilitation, qui prend la forme, en 1977, d’une première rétrospective à l’occasion du bicentenaire de sa mort, à Nîmes, ville dont il est originaire. Il aura fallu attendre plusieurs dizaines d’années pour qu’une monographie complète voit le jour aux éditions Arthena. L’ouvrage, aboutissement de la thèse de doctorat soutenue par Susanna Caviglia-Brunel (sous la direction de Daniel Rabreau), a donné lieu à une exposition cet été au Musée des beaux-arts de Nîmes. Maître de conférences en histoire de l’art moderne et contemporain à l’université de Limoges, spécialiste de la peinture et du dessin en France et en Italie au XVIIIe siècle, l’auteure s’est lancée dans une entreprise titanesque. Le corpus d’œuvres attribuées à Charles Joseph Natoire est en effet estimé à 2 000 numéros et, comme elle l’explique, de nouvelles œuvres apparaissent sur le marché quasiment tous les ans.
Une interrogation constante de la peinture
En étudiant l’ensemble de l’œuvre picturale et graphique de Natoire, Susanna Caviglia-Brunel souhaite « rendre compte de toute la complexité de sa démarche artistique, de son incessant désir de renouvellement, de sa constante interrogation sur l’art de peindre ». L’ouvrage suit un cadre chronologique : d’abord les années de formation, puis la période à Paris qui marque l’apogée de sa carrière, durant laquelle il donne une nouvelle dimension à la peinture d’Histoire. L’historienne montre comment Natoire n’a cessé de nourrir son travail de réflexions plastiques – notamment autour de la notion d’« imitation », imitation des maîtres et de la nature –, et comment il a su s’adapter aux contraintes de programmes décoratifs conçus comme de grands ensembles pour en préserver l’harmonie.
Nommé directeur de l’Académie de France, Natoire s’entoure d’une jeune garde d’artistes qu’il va former. Loin de l’image, jusqu’ici véhiculée, d’un peintre isolé de la scène artistique, l’étude des nombreux dessins et modelli témoigne, au contraire, de l’importance de l’influence des peintres italiens contemporains. Natoire participait au bouillonnement artistique romain où se croisaient toutes les nationalités. Le nouvel opus des éditions Arthena permet de « mieux regarder ses œuvres », comme le souligne l’auteure, « mais aussi de faire ressortir l’ensemble des tensions, des difficultés, des concessions, des luttes secrètes qui sont sous-jacentes à celles-ci ».
Ed. Arthena, 2012, 582 p., 149 €.
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Mieux regarder Natoire
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°375 du 21 septembre 2012, avec le titre suivant : Mieux regarder Natoire