Lucien Hervé confiait à Hans-Ulrich Obrist qu’il aurait aimé composer un livre entier de citations. Ainsi, au « Je meurs de ne pas mourir » de sainte Thérèse, il aurait fait répondre par Einstein : « La vie est le plus beau cadeau qui soit. »
Si le photographe n’a pu réaliser son rêve, Pierre Pinchon l’a fait pour lui. Car tout l’intérêt de La Lumière dans les arts européens, 1800-1900 (Hazan, 223 p., 15 €) réside dans les citations que l’on en retire.
L’ouvrage, dit la quatrième de couverture, s’adresse aux candidats préparant le Capes. Vraiment ? Car le propos scolaire ne permet jamais au lecteur d’aiguiser son sens critique. Il l’enferme même dans de simples lectures d’œuvres, quand le sous-titre ne reflète pas la teneur réelle de l’ouvrage, les artistes français remportant la part belle. La lumière viendra donc d’ailleurs, de L’Œil mystique, peindre l’extase dans l’Espagne du Siècle d’or de Victor I. Stoichita (Le Félin, 357 p., 35 €). Si le sujet paraît réservé aux amateurs avisés de l’art religieux, l’ouvrage, lumineux, est accessible à tous. Son atout majeur est la simplicité du propos alors même que le thème, ardu, appelle à de multiples références. L’auteur l’aborde sous des angles variés en incitant le lecteur à avoir sa propre vision. La logique du raisonnement, la clarté du propos, les sources fouillées et diverses font du chapitre « Minimal Zurbarán » un magnifique psaume à la réflexion. Victor I. Stoichita y analyse l’énigmatique saint François debout momifié de Zurbarán à travers le regard d’iconographes et d’historiens, du poète Théophile Gautier (« … aspect étrange, à vous donner l’effroi… ») et du psychanalyste Sigmund Freud dont l’œuvre illustre le concept d’« inquiétante étrangeté » : « Ce qui semble à beaucoup de gens au plus haut degré étrangement inquiétant, c’est tout ce qui se rattache à la mort, aux cadavres, à la réapparition des morts, aux spectres et aux revenants. » Si aujourd’hui notre rapport aux ossuaires illustre lui aussi le concept du psychanalyste, « ce qu’il nous faut comprendre, c’est que les ossuaires de jadis relevaient du sacré et que les chapelles qu’on y intégrait parfois en faisaient des lieux non de peur mais d’espérance eschatologique ». Paul Koudounaris dans L’Empire de la mort (Éditions du Regard, 224 p., 49 €) parle de l’humanité avant toute chose. « On rapporte que les adultes se rendaient à l’ossuaire en compagnie de leurs enfants pour leur montrer le crâne de leurs ancêtres en guise d’initiation à l’histoire familiale. » Nous sommes bien loin de ce que nous pouvons imaginer de morbide en regardant les photos du cimetière des Capucins à Rome. Mais s’arrêter aux illustrations serait une erreur. L’intérêt de l’ouvrage – fascinant – réside dans l’étude de l’histoire, de la foi, des superstitions, des coutumes, de l’homme avec sa part de ténèbres et d’espoir.
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L’homme, sa part de ténèbres et d’espoir
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°643 du 1 février 2012, avec le titre suivant : L’homme, sa part de ténèbres et d’espoir