Chefs-d’œuvre parmi les chefs-d’œuvre, les fresques de la chapelle Sixtine n’auraient donc pas livré tous leurs secrets. Si l’on reconnaît ici telle scène des Écritures – la création d’Adam par Michel-Ange –, là tel personnage de la généalogie du Christ, quels messages cachés les fresques peintes par Botticelli, Le Pérugin, Rosselli, Piero di Cosimo, Signorelli, Ghirlandaio et Michel-Ange, ces grands noms de la Renaissance, délivrent-elles”‰?
Comment expliquer, par exemple, la présence des faucons chassant la perdrix au-dessus de la circoncision du fils cadet de Moïse (Le Pérugin) ? Et que dire de la femme portant un fagot de bois de chêne à droite des Trois Tentations de Jésus (Botticelli) ?
La curie romaine critiquée
Ces questions, Heinrich Pfeiffer se les est posées, qui, pour tenter d’y répondre, s’est plongé dans la lecture des théologiens du Moyen Âge : le bienheureux Amadeus, Joachim de Flore, Hugues de Saint-Victor, etc. Certes, ces noms ne causent plus aujourd’hui. Mais ils parlaient au pape Sixte IV qui inaugura en 1477 le cycle de fresques qui porte désormais son nom. Comme ils « parlaient » aux conseillers dépêchés auprès des fresquistes qui, même érudits, n’ont pas pu définir seuls les thèmes iconographiques de la Sixtine. Il s’agit du moins de l’une des thèses défendues par Pfeiffer, qui compile ici le fruit de ses recherches superbement illustrées par une récente campagne photographique commandée par le Vatican.
Le résultat est édifiant. L’historien de l’art s’intéresse tantôt aux oiseaux – le faucon, symbole de la noblesse, combat la perdrix, voleuse d’œufs et incarnation du diable –, tantôt aux bottes des personnages – le rouge des souliers renvoie à la Passion du Christ. Il traduit chaque forme, chaque couleur à la lumière des textes anciens pour lire dans leur assemblage un message autant biblique que... politique.
Car selon lui, et à la différence d’Ettlinger en 1965, les fresques n’exaltent pas la primauté papale. Nenni ! Le sacrifice de purification d’un lépreux par le Florentin Botticelli renverrait, par exemple, au complot fomenté contre les Médicis par les Pazzi et le pape lui-même ! Michel-Ange, aussi, aurait glissé dans la représentation des ancêtres du Christ des critiques à l’égard de la curie romaine. « Peintres et théologiens [entendaient] présenter au pape le miroir de sa conscience », soutient le chercheur. Un miroir que le lecteur voit patiemment restauré, lui renvoyant le reflet complexe de l’histoire.
Heinrich Pfeiffer, La Chapelle Sixtine révélée. L’iconographie complète, Hazan, 352 p., 200 ill., 69 €.
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Les clefs de la chapelle Sixtine
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°597 du 1 décembre 2007, avec le titre suivant : Les clefs de la chapelle Sixtine