Pierre Daix entend bien réaffirmer qu’il est le spécialiste incontesté de Pablo Picasso. Tirant parti de l’ouverture de certaines archives et des innombrables expositions sur le maître espagnol, il réédite vingt ans plus tard son Picasso créateur.
Disons-le tout de suite, c’est une biographie scientifique. Ceux qui attendent un roman sur les amours du grand séducteur ou une histoire de ses engagements politiques doivent passer leur chemin. Daix ambitionne d’établir l’exacte chronologie croisée des travaux et des événements privés de Picasso. En cela il apporte une aide précieuse aux historiens de l’art, toujours avides de démêler le réseau des petites et grandes influences qui s’inscrivent sur la toile.
Ainsi, il consacre de nombreuses pages à la généalogie des Demoiselles d’Avignon et démontre en particulier que la source première du primitivisme de Picasso n’est pas l’art nègre, comme on le dit partiellement à tort, mais plutôt la rencontre avec les œuvres de Gauguin, puis la découverte des sculptures ibériques romanes. Et pour que les choses soient bien claires, il complète son récit par des fiches de synthèse. Il y en a plusieurs dans le livre. Dès lors, à moins d’avoir à ses côtés le catalogue raisonné de l’artiste, on s’ennuie un peu à la lecture des innombrables descriptions d’œuvres.
L’ouvrage ne verse pas pour autant totalement dans l’aridité scientifique. Daix n’est pas un pisse-froid de bibliothèque. Né en 1922, très tôt militant du parti communiste qu’il quittera en 1974 après la publication de L’Archipel du Goulag de Soljenitsyne, lui-même déporté à Mauthausen, c’est un homme d’engagement et d’opinion. Des opinions souvent tranchées, notamment lorsqu’il oppose l’ordre à l’aventure, l’État et l’art officiel à l’art moderne. Ce qui n’empêche pas le biographe d’Aragon de mettre de l’eau dans son vin et de rédiger une biographie, que l’on imagine alimentaire, de François Pinault.
Mais, en l’espèce, Pierre Daix est l’ami de Picasso qu’il rencontre en 1945 et dont il est proche jusqu’à sa mort. Cette proximité nourrit son propos à la meilleure des sources. Daix a souvent questionné son ami, apportant à sa thèse un éclairage pertinent et de l’épaisseur humaine. Thèse, le terme est sans doute un peu excessif, mais il dit bien le parti pris de l’auteur pour l’objet de son étude. Picasso est un incontestable génie, certes, mais il n’est pas indispensable d’être systématiquement apologétique. C’est en ce sens que l’ouvrage tire plus du côté biographique que scientifique.
Pierre Daix, Picasso, Tallandier, 2007, 522 p., 35 €.
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Le Picasso de Daix, une biographie scientifique
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°593 du 1 juillet 2007, avec le titre suivant : Le Picasso de Daix, une biographie scientifique