S’il est le fils d’un homme qui n’a jamais eu dans sa vie une autre obsession que de reproduire la perfection d’une goutte d’eau, Oan Kim est animé par de nombreuses passions : ancien élève des Beaux-Arts de Paris, qui a fait très jeune l’apprentissage de la musique, il est aujourd’hui photographe, vidéaste, musicien et… documentariste.
Il est le coauteur de L’homme qui peint des gouttes d’eau, un beau film dans lequel il tente de briser le silence du peintre coréen Kim Tschang-Yeul : « Mon père, un vieil homme et un enfant, avec son idée fixe […]. Peindre cent mille gouttes d’eau : quel genre d’homme faut-il être pour choisir librement ce genre de servitude ? » Pas le même genre que lui, visiblement, qui n’a pas pu choisir entre la musique et l’image, passant de l’une à l’autre, mêlant les deux, créant l’une pour l’autre, l’autre pour l’une, au point qu’on ne sait plus ce qu’il sollicite chez le public, son écoute ou son regard. D’ailleurs, c’est lui qui a signé la musique originale de son documentaire coréalisé avec Brigitte Bouillot. Parce qu’Oan Kim est fils de peintre, c’est d’abord la tradition visuelle qui avait pris le dessus, mais lorsque la musique est entrée dans le jeu, il a fallu équilibrer, suivant les enseignements en parallèle. À l’École des beaux-arts, il s’est tourné vers la photo et la vidéo : « La peinture, c’était trop chronophage. Comme je faisais beaucoup de musique, je n’avais pas le temps de passer des heures devant une toile. Ensuite, il m’a fallu sortir. Jean Genet disait qu’il avait commencé à écrire pour sortir de prison. Moi, j’ai commencé la photo pour sortir de chez moi, pour aller à la rencontre du monde. À ce moment-là, la musique ne me suffisait pas, me forçant à rester seul ou peu accompagné. La musique permet de vivre l’instant présent avec intensité ; la photo, chez moi, déclenche plutôt de la curiosité. » Alors Oan Kim est sorti. Ce curieux de toutes les expériences s’est fait un nom dans la photo, il est aussi le cofondateur de l’agence MYOP. Il dit avoir eu des vies musicales multiples, se destinant d’abord à la musique contemporaine, qui n’a pas su combler ses attentes, déclenchant sans cesse le même type d’émotions qui ne « touchaient que partiellement le corps ». Puis le rock est arrivé, dont la scène lui paraissait plus attirante que la scène jazz, vers laquelle il aurait pu naturellement se tourner en jouant du saxophone. Aujourd’hui, Oan Kim est revenu au jazz, mais il le veut « sale », comme l’indique le nom de son « Dirty Jazz » créé à l’origine pour une exposition à Dallas. Est-ce parce que ce projet, d’une rare épaisseur, a ses fondements dans l’image ? Écouter sa musique, qu’il souhaite « évocatrice », c’est voir un film, naviguer entre des émotions qu’on reconnaît, parce qu’on les a ressenties dans un fauteuil de cinéma. C’est aussi visiter une contrée à nulle autre pareille dans le jazz d’aujourd’hui.
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Le jazz plein d’images d’Oan Kim
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°758 du 1 octobre 2022, avec le titre suivant : Le jazz plein d’images d’Oan Kim