Entre célébration de la vie et angoisse de la mort, le portrait constitue une question complexe où se croisent considérations esthétiques, sociales, philosophiques et morales. Édouard Pommier reprend ce vaste dossier à partir de Pétrarque et d’Alberti jusqu’à Diderot.
Dans le dialogue imaginaire qu’il eût avec lui, Pétrarque se voit reprocher par saint Augustin d’avoir fait réaliser un portrait de la bien-aimée Laure. “Non content de l’image vivante de sa personne, cause de tous tes maux, tu as voulu en posséder une autre de la main d’un peintre illustre, pour la porter partout avec toi, comme une source éternelle de larmes.” Parmi cent autres, mais elle fixe la première les enjeux de l’essai d’Édouard Pommier, cette anecdote illustre l’étrange puissance dont le portrait est investi tout au long des siècles. Les poètes tout autant que les théoriciens jouent un rôle déterminant dans le surgissement et l’élaboration de ce mythe où la vie et la mort occupent le devant de la scène.
“Trait pour trait”, telle est, dans les dictionnaires italiens du xvie siècle comme dans le premier dictionnaire français de 1694, la source de la définition même du portrait. La ressemblance avec les œuvres de la nature est l’impératif majeur de la représentation du visage. Une fois acquise cette fidélité au modèle, la question se complique assez vite et devient un argument récurrent de l’Ut pictura poesis. Comme l’auteur a souvent l’occasion de le souligner, seules la parole et l’âme viennent à manquer aux meilleures peintures. Vivant ou disparu, il arrive que l’être même du modèle soit transféré dans l’image : François Pétrarque célèbre jusqu’à la fin l’image peinte par Simone Martini, comme César “entendait” Alexandre le Grand devant sa statue. Rien d’étonnant, alors, que ce texte fasse la part belle aux commentaires suscités par les œuvres picturales au détriment d’un examen plus rapproché de celles-ci. Plus anthropologue qu’esthéticien, Édouard Pommier restitue avec une certaine adresse les termes de ce troublant dialogue.
Édouard Pommier, Théories du portrait, de la Renaissance aux Lumières, éditions Gallimard, 512 p., 290 F. ISBN 2-07-074776-X.
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La voix manquante
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°56 du 13 mars 1998, avec le titre suivant : La voix manquante