PARIS
À la fin de l’année, le Musée du Louvre présentera, dans la cour Marly, une arcade remontée du palais des Tuileries, provenant de l’hôtel de Fleury, dans le 7e arrondissement de Paris, ancien site de l’École des ponts et chaussées que l’État vient de vendre.
Un certain nombre des vestiges du célèbre palais, incendié en mai 1871 sous la Commune, ont en effet été achetés par l’État mais aussi par des particuliers à partir d’une liste de morceaux les plus insignes dressée par Charles Garnier. L’architecte de l’opéra de Paris était alors l’un des plus fervents partisans d’une destruction des ruines du palais, laissées en friche pendant plus de douze années au cœur de la capitale. Après maints atermoiements politiques, entre projets de reconstruction, restauration ou démolition, le monument a été finalement démoli en décembre 1882. Mais le sujet n’est manifestement toujours pas clos puisqu’un groupe de nostalgiques a récemment relancé l’étrange idée d’une reconstruction ex-nihilo. Dans ce contexte polémique – Renaud Donnedieu de Vabres, alors ministre de la Culture, avait tout de même lancé une commission d’études sur le sujet ! –, l’historien de l’architecture Guillaume Fonkenell, responsable de la section d’histoire au Musée du Louvre, s’est attelé à une tâche ardue, celle de la patiente reconstruction des Tuileries… sur le papier. Car, comme le souligne son auteur, qui n’hésite pas à qualifier le bâtiment d’« espace informe » et de « symphonie dysharmonique », l’histoire architecturale du palais est des plus chaotiques. Constituée d’une accumulation de strates, fruit d’une multiplicité de projets et d’une succession d’architectes, la construction des Tuileries a fait les frais de la versatilité de ses commanditaires. Le grand projet de Catherine de Médicis, mi-maison de plaisance mi-palais, conçu au XVIe siècle par Philibert Delorme, n’a en effet jamais été achevé, victime de son manque de financement mais aussi des mutations constantes du projet. Mal connu du fait du caractère lacunaire de sources par ailleurs difficiles à interpréter (à l’exemple des dessins d’Androuet du Cerceau), le chantier s’est étalé sur vingt-cinq années pour laisser, à la mort de Catherine, un bâtiment inhabitable. Dès lors, le palais sera intégré à une autre histoire, devenant « une annexe grandiose du Louvre », à l’initiative d’Henri IV. Les transformations menées sous le règne de Louis XIV par Louis Le Vau poursuivront l’anéantissement du palais Renaissance, pour un résultat qui sera jugé par l’Italien Bernini comme « une grande petite chose ». Au XIXe siècle, cette transformation constante de l’édifice se poursuivra pour satisfaire aux exigences des souverains et chefs d’État qui l’occuperont. L’ouvrage suit donc pas à pas ces modifications que le lecteur peut aisément visualiser grâce à des images virtuelles. S’il fait ainsi revivre le palais, ce livre a une autre vertu : démontrer clairement que celui-ci est définitivement impossible à reconstruire, à moins d’opérer un tri très sélectif dans la mémoire et l’histoire des lieux. « Avant même d’être anéanties par une main extérieure, les Tuileries étaient un palais qui se détruisait sans cesse lui-même », conclut Guillaume Fonkenell. Sophie Flouquet
Images virtuelles par Hubert Naudeix,coéd. Honoré Clair et Cité de l’architecture et du patrimoine, 224 p., 49 euros, ISBN978-2-9183-7104-5
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La renaissance des Tuileries
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°334 du 5 novembre 2010, avec le titre suivant : La renaissance des Tuileries