Chaque jeudi, à 8 h 15 et 8 h 45, « Les Matins Jazz », l’émission de Laure Albernhe et Mathieu Beaudou, invitent L’Œil et Le Journal des Arts à parler d’art sur l’antenne de TSF Jazz. Le 9 mai 2019, Jean-Christophe Castelain, directeur du Journal des Arts, revenait sur la photo de mariage.
Chronique à réécouter ici dans son intégralité ou à lire ci-après :
Laure Albernhe : Alors Jean-Christophe, aujourd’hui vous allez traiter une question de la plus haute importance : les photos de mariage sont-elles des œuvres d’art ?
Jean-Christophe Castelain : Je vois bien à votre sourire, que vous trouvez la question pas très sérieuse. Je vais essayez de vous convaincre du contraire, même si je vous l’accorde, on se marie de moins en moins, et que surtout ces photos convenues, où l’on voit les jeunes mariés très apprêtés et empruntés, sont d’un autre temps. Pourtant c’est une question si sérieuse que l’affaire est remontée à la Cour de justice de l’union européenne ! Et comme souvent, c’est par le biais de la fiscalité qu’une question qui touche à la création a été abordée. Car figurez-vous que le taux de TVA est beaucoup plus bas pour les œuvres d’art que pour les portraits que vous commandez à un photographe de quartier.
Et c’est justement ce qui a amené un photographe de photos de mariage à porter l’affaire en justice. Car en France, le fisc considère que ce ne sont pas des œuvres d’art et il a fait un redressement fiscal à ce photographe. Et pourquoi le fisc français considère-t-il que ce ne sont pas des œuvres d’art ? Le fisc considère que dans ces photos il n’y a pas d’intention créatrice manifeste de la part du photographe et que le sujet, le cadrage, la pose des mariés lui sont en quelque sorte imposés par l’usage ou les mariés. L’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne a estimé qu’il n’appartenait pas à l’administration fiscale de se transformer en critique d’art et qu’il fallait donc apprécier ces photos comme des œuvres d’art.
La cour ne s’est pas encore prononcée, mais il est probable qu’elle suive l’avis de l’avocat général, auquel cas la France serait obligée de s’y conformer. C’est vrai qu’il est difficile de nier l’intention créatrice du photographe. C’est vrai que le genre est convenu, que les mariés ont souvent des exigences, être photographié sous un arbre, à côté d’un étang ou d’un château, mais il est quand même laissé une grande part de liberté au photographe sur le cadrage, l’éclairage, la distance… Au fond c’est toute la question du statut de l’œuvre d’art qui est posée dans ce sujet a priori anodin !