La « Revue Textuel » livre les éclairages polyphoniques de divers spécialistes sur la place faite à la beauté dans la pensée des œuvres et des pratiques artistiques aujourd’hui.
« Un soir, j’ai assis la Beauté sur mes genoux. – Et je l’ai trouvé amère. – Et je l’ai injuriée », écrivait Rimbaud dans une Saison en enfer. Défiée et tenue à distance par les modernes (Baudelaire évoque « un monstre, effrayant, ingénu »), la beauté ne suscite plus l’adhésion. « Que reste-t-il de la beauté ? », s’interrogent avec une pointe de provocation les universitaires Marik Froidefond et Dominique Rabaté. Faut-il entériner sa disparition ou au contraire tenter de la restaurer ou « d’en rappeler la nécessité, la possibilité » ?, demandent-ils en interpellant, tour à tour, des historiens des formes et des arts, des théoriciens, des critiques et des artistes. Peinture, installation, photographie, cinéma, musique et littérature : le spectre est large et le propos ambitieux.
Resserrons la focale sur les arts plastiques : la beauté, qui est une valeur fondamentale en art classique, demeure présente en art moderne, mais « n’est guère ou pas pertinente en art contemporain » souligne la sociologue Nathalie Heinich. En art contemporain, poursuit-elle, « la valeur de beauté a été détrônée par la valeur de sens, de significativité : d’où le “C’est très joli. On n’en veut pas” qui, paradoxalement, motive le rejet d’un dossier dans une commission d’achat ».
Le tabou en art contemporain
La messe est-elle dite ? Que nenni. Les coordonnateurs du dossier évoquent des « voix récentes qui s’insurgent contre ce diktat d’une modernité terroriste et qui cherchent à lever le tabou ». L’historienne de l’art et philosophe Céline Flécheux est sans aucun doute des leurs.
« Affirmer que les artistes ne se préoccupent pas de beauté, (…) c’est aller un peu vite en besogne. Le soin qu’ils mettent à penser les formats, les lieux de déploiement, les matériaux… montre à quel point la beauté, si elle n’est pas le mot d’ordre, est partout présente dans leurs préoccupations, souligne-t-elle. Il est néanmoins clair qu’elle n’est entendue ici ni comme règle à atteindre, ni comme canon, mais comme ce qui rend vivant la pensée par sa rencontre avec le sensible. »
C’est cette rencontre avec le sensible qu’évoque l’artiste Albert Palma pour lequel la beauté coïncide toujours avec un mouvement d’élévation. « Tout ce qui élève est beau en soi », souligne celui qui fut l’élève du fondateur du Shintaïdo, Aoki Hiroyuki, dont il a poursuivi l’enseignement, avant d’ajouter : « L’histoire et l’évolution de la main sont consubstantielles à celles de l’œil. Elles nous permettent d’accéder à une cohérence supérieure. »
C’est cette même aspiration à la verticalité, cette même quête insatiable de la beauté qui anime le peintre Gérard Titus-Carmel (lire p. 35). Une quête incertaine et ardue d’une beauté qui sans cesse « nous échappe au moment même où nous croyions nous parfaire dans son évidence. »
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La beauté dans l’art
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Abonnez-vous dès 1 €Sous la direction de Marik Froidefond Marik et Dominique Rabaté, Revue Textuel. Nouvelle série, n° 3, (Hermann 2016), 125 p., 20 €.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°460 du 24 juin 2016, avec le titre suivant : La beauté dans l’art