Jeune, dure et pure ! Une histoire du cinéma d’avant-garde et expérimental en France est le support papier (avec une extension en ligne prévue) d’une vaste programmation de films qui a débuté au printemps 2000 à la Cinémathèque française. S’appuyant sur une définition large du cinéma expérimental, l’ouvrage défriche un domaine peu exploré, et ouvre de nombreuses pistes malgré quelques insuffisances.
La multitude de textes rassemblés dans ce livre (doublés de contributions en ligne) en témoigne : cerner le cinéma d’avant-garde et expérimental, même dans un champ limité à la France, s’avère une entreprise abyssale, voire impossible.
Qu’est-ce que le cinéma expérimental ? “Cherchez l’homme, vous trouverez le cinéma expérimental”, annonce énigmatiquement Dominique Païni en guise d’introduction et, à défaut, d’une définition. Difficile en effet de qualifier un cinéma qui, précisément, se déjoue des évidences, des modes de pensée systématiques et des recettes toutes prêtes. “Traquer l’invisible, le porter au jour, lui donner une forme cinématographique, tels sont les enjeux du cinéma d’avant-garde et expérimental”, écrit le cinéaste Christian Lebrat, commissaire avec l’historienne Nicole Brenez de la manifestation. Présentée au printemps dernier à la Cinémathèque française, cette programmation chronologique, en 31 sections – qui débutait avec les premières Chronophotographies d’Étienne-Jules Marey (1882) pour s’achever sur une sélection de films réalisés en l’an 2000 – optait pour un concept élargi et non orthodoxe du cinéma expérimental. Elle incluait notamment des films d’artistes ou d’auteurs, des films d’expérimentations scientifiques ou ethnographiques, des documentaires politiques...
Réévaluer l’importance des expérimentations sonores
Ce parti pris, discutable, est abondamment argumenté dans le livre dont les 31 chapitres reprennent chacun des thématiques de la programmation. Selon une même conception ouverte de l’expérimental s’y mêlent des formes d’écriture aussi diverses que des notices, analyses ou écrits inspirés de films, des textes de synthèse sur une période, un mouvement, un cinéaste, des témoignages, des CV, ou des lettres pour moitié inédits, rédigés par des cinéastes, des critiques, des universitaires... Comme la programmation, cet assemblage/montage de textes donne des résultats plus ou moins probants selon les sections.
En plus d’élargir la conception du cinéma d’avant-garde et expérimental, l’histoire esquissée dans ce livre vise à réévaluer l’importance des expérimentations sonores (que ce soit dans le cinéma d’avant-garde abordé dans les textes de Giusy Basile – Au commencement était le son – et de Martin Barnier – Naissance d’un son expérimental, L’Âge d’or, Le Sang d’un poète – ou le cinéma d’Isidore Isou analysé par Frédérique Devaux ). Une large part est également accordée aux collectifs : les débuts du cinéma ouvrier évoqué dans le texte d’Alain Weber, le Lettrisme, l’Internationale situationniste, les “Kamikazes de l’amour”, Zanzibar, Melba et, plus récemment, le mouvement des Laboratoires... Regrettons que l’absence d’appareil critique au niveau éditorial – notes, textes introductifs – décrédibilise certains textes et témoignages visiblement écrits sous forme de réquisitoire ou de règlement de compte. Par son aspect documentaire, cette somme a le mérite de défricher et mettre à jour un terrain peu exploré, d’ouvrir des pistes de recherche et de réflexion sur une pratique qui ne cesse de se renouveler.
- Sous la direction de Nicole Brenez et Christian Lebrat. Jeune, dure et pure ! Une histoire du cinéma d’avant-garde et expérimental en France, Éditions de la Cinémathèque française/Mazzotta, 2001, 591 p., 300 F, ISBN 2-900596-30-0
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Il faut crever l’écran
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°130 du 29 juin 2001, avec le titre suivant : Il faut crever l’écran