L’exposition « Les Arcs-en-ciel du noir : Victor Hugo », à la Maison Victor-Hugo à Paris, « regroupe quatre-vingts dessins, estampes, photographies, objets, livres et manuscrits » [jusqu’au 19 août 2012].
N’espérez pas voir reproduits dans le catalogue qui l’accompagne ces dessins, « parmi les plus beaux et très rarement exposés », annonce le communiqué de l’exposition, l’ouvrage n’en recèle qu’un très petit nombre. Ils ne servent, à vrai dire, que d’illustration à l’essai d’Annie Le Brun sur le noir, l’obscur et le sombre dans l’œuvre de Victor Hugo
[Les Arcs-en-ciel du noir : Victor Hugo, Gallimard, 141 p., 19 €]. La part belle est donc donnée à l’analyse de l’univers intime et littéraire de l’écrivain. À quelques reprises seulement sont évoqués les dessins : « On a dit et redit… l’empathie grandissante qui [se] manifeste [dans les images] jusque dans l’invention de techniques d’éclaboussement, de dilution ou au contraire de saturation… » Très vite, l’étude de l’œuvre littéraire et de la vie du poète se révèle passionnante. Malgré une humeur sombre, « d’innombrables piqûres de lumière rendent plus noire l’obscurité sans fond. Escarboucles, scintillations, astres, présences constatées dans l’ignoré ; défis effrayants d’aller toucher à ces clartés », une vénération pour Shakespeare qui déclarait : « L’homme qui ne médite pas vit dans l’aveuglement, l’homme qui médite vit dans l’obscurité. Nous n’avons que le choix
du noir. » Victor Hugo ne nie pas pour autant « les mystérieux soleils de l’intérieur », lui qui écrit le 27 août 1833 : « Je ne vis que par le cœur. » Et si Annie Le Brun déplore que Victor Hugo soit exclu de la modernité, il en a été le précurseur à bien des égards. Telle son « œuvre totale » à Hauteville House : « Victor Hugo ne laisse rentrer aucun meuble sans qu’il ne soit démantelé pour être aussitôt intégré dans un nouveau meuble dessiné par lui. » La construction n’est pas sans rappeler
le Merzbau que Kurt Schwitters créera chez lui près de soixante-dix ans plus tard en amalgamant des objets de toute sorte dans un chaos peuplé de clins d’œil. Après avoir exploré l’intime de Victor Hugo, passer à celui tout aussi sombre de Claude Lévêque, dans un livre d’images cette fois, est un supplice : Nevers Let Love in (Éditions Dilecta, 264 p.). Non seulement les œuvres-témoignages sont rêches et ennuyeuses, mais la mise en page est la négation absolue de l’inventivité. Les citations de Nietzsche et de Baudelaire, entre autres, ne suffisent pas à racheter le propos pauvre de l’artiste. On en finirait presque par être réactionnaire et par crier au scandale quand un pareil livre « d’art » coûte 28 €. Never(s) again...
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Hugo et Lévêque : le sombre héros et le héros qui sombre
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°647 du 1 juin 2012, avec le titre suivant : Hugo et Lévêque : le sombre héros et le héros qui sombre