Guide des jardins

Un goût de « Paradou » : le mot inventé par Rodin pour décrire le jardin envahi de lianes et de ronces où il installa ses sculptures convient à merveille à ce petit guide. Un bijou de poche, écrit avec esprit, dans l’idée de ne jamais ennuyer son lecteur, par un passionné d’histoire, Vincent Brocvielle et illustré avec talent par Emmanuel Pierre, qui découpe d’anciennes gravures pour raconter la vie de l’hôtel de Biron comme il collerait des fleurs rares dans un herbier. « Si les jardins du musée Rodin nous étaient contés », idée digne de Sacha Guitry. La riche madame de Moras ouvre la marche, sur fond de choux-fleurs et de jasmins, puis la duchesse du Maine et le maréchal de Biron, avec les lauriers de la gloire, puis les fêtes du Directoire, menées par les Inc’oyables et les Me’veilleuses qui plantent dans les bosquets des décors de théâtre champêtre. Un cèdre pousse, le jardin s’anglicise pour accueillir Rilke et Rodin, la poésie et la sculpture binant et sarclant ensemble. Dans ce squat de grand luxe aux loyers dérisoires, campent Cocteau et Matisse, Isadora Duncan et Édouard de Max, une perle grise sur sa cravate grise. Puis, dans les années 20, les jardins deviennent musée. La réussite de ce guide est de permettre une visite botanique et artistique à la fois, de ne jamais dissocier Ugolin ; Le Penseur ; Les Bourgeois de Calais des treilles et des charmilles. On entend la voix de Rodin : « Les Chrysanthèmes ébouriffés sont des fleurs qui se sont battues dans la nuit », « Le Pissenlit montre tout ce qu’il a dans le ventre, il ne pense qu’à la reproduction. » Et devant, s’élève la Porte de l’Enfer. Cet abrégé d’art paysager, pour un prix modique, est à conseiller vivement pour réussir, à Paris, une promenade dépaysante et inattendue.