Empire

Gros et la propagande

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 17 mars 2006 - 497 mots

Les éditions Gallimard publient la première monographie sur l’artiste depuis plus d’un siècle.

Fasciné par Napoléon, Antoine-Jean Gros (1771-1835) a su développer un style singulier tout en assumant son rôle de peintre de la propagande officielle. Avec force et cruauté, ses œuvres relatent les exploits militaires de l’Empereur, mais aussi les souffrances et massacres qu’ils engendrèrent. Pour les éditions Gallimard, David O’Brien retrace et analyse le parcours de cet artiste « immensément doué et extraordinairement influent sous l’Empire » dans le premier ouvrage consacré à Antoine-Jean Gros depuis plus d’un siècle. Une monographie fut d’abord publiée en 1845, peu après sa mort, suivie d’une étude volumineuse en 1880. Ces deux ouvrages s’appuyaient sur la correspondance de Gros, laquelle disparut en grande partie au début des années 1870. Il aura fallu plus d’un siècle pour retrouver l’ensemble des documents épistolaires éparpillés. Les nombreuses reproductions accompagnant le texte permettent d’apprécier en détail des toiles monumentales comme Bonaparte visitant les pestiférés de Jaffa, 11 mars 1799 et Napoléon sur le champ de bataille d’Eylau, 9 février 1907, ou des projets moins connus comme l’esquisse du Combat de Nazareth (1801). Ces représentations violentes de faits historiques réels ou d’un Orient exotique côtoient d’autres commandes impériales, passées aux contemporains de Gros, ainsi le très célèbre Sacre de l’empereur Napoléon Ier et couronnement de l’impératrice Joséphine dans l’église de Notre-Dame de Paris, 2 décembre 1804 peint par David ou encore la Révolte du Caire, 21 octobre 1798, immortalisée par Girodet. David O’Brien a pris soin de replacer l’œuvre de Gros dans son contexte historique, évoquant plus généralement les relations étroites qu’entretinrent alors la création artistique et la politique. « L’imbrication de l’art et du pouvoir au temps de Napoléon a suscité depuis quelque temps plusieurs réflexions théoriques sur les représentations de la guerre, sur les questions de légitimité politique et sur le conflit entre l’esthétique traditionnelle et les nécessités de la nouvelle peinture, précise l’auteur. Il restait encore à décrire les transformations concrètes de la pratique artistique provoquées par les nouvelles fonctions attribuées à l’art dans la période napoléonienne. C’est ce que fait ce livre, qui examine aussi en détail les thèmes et les stratégies adoptés par les instances de l’art sous Napoléon. »
Vers 1848, la peinture d’histoire néoclassique cède la place à un genre plus pittoresque et sentimental, en témoigne le Bonaparte franchissant les Alpes de Paul Delaroche, l’un des meilleurs élèves de Gros : loin de l’aspect héroïque du fameux tableau de David (1800), l’Empereur est ici dépeint comme un cavalier ordinaire fatigué et usé. Une mise en scène pour le moins réaliste, bien éloignée des aspirations d’Antoine-Jean Gros, salué en 1848 par Delacroix comme celui qui « a élevé les sujets modernes jusqu’à l’idéal. Il a su peindre les costumes, les mœurs, les passions de son temps, sans tomber dans la mesquinerie ou la trivialité, écueils ordinaires de ce genre de sujets ».

David O’Brien, Antoine-Jean Gros, Peintre de Napoléon, éditions Gallimard, Paris, 2006, 344 p., 65 euros, ISBN 2-07-01186-3.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°233 du 17 mars 2006, avec le titre suivant : Gros et la propagande

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