Trop chers, trop volumineux, les livres d’art ? Quelques rééditions en version de poche ou économique démentent cette assertion et permettent le retour en librairie de plusieurs ouvrages essentiels.
Figure majeure de l’histoire de l’art en France, André Chastel avait consacré de nombreux ouvrages à l’Italie de la Renaissance. Au sein de cette abondante bibliographie, les étudiants connaissaient bien les deux volumes de la collection “L’univers des formes”, Renaissance méridionale et Le grand atelier d’Italie, publiés en 1965. Tous deux sont opportunément réédités en édition économique, sous le titre Renaissance italienne 1460-1500 : 1460, car, à cette date, “les nouveautés toscanes achèvent d’atteindre les autres centres”, un mouvement dont il envisage toutes les conséquences. De plus, cette “bande chronologique” étroite “permet d’envisager la concurrence des arts, c’est-à-dire la nature de leurs accords ou de leurs incompatibilités qui ne se déclarent jamais sur de longues périodes ; d’autre part, elle grossit des phénomènes comme la consolidation ou l’affaiblissement des styles, comme la montée et la fatigue d’un centre ou d’un artiste, fatalement négligés dans les panoramas plus larges”. Cette réédition permet de faire vivre la pensée alerte de l’historien ; démonstration de sa méthode, quelque 300 illustrations ont été assorties de commentaires.
Il est tentant de comparer la figure de Chastel à celle de Blaise de Vigenère (1523-1596), dont une anthologie des écrits artistiques est publiée aujourd’hui : La Renaissance du regard. Diplomate au service de Catherine de Médicis puis des ducs de Nevers, cet érudit a joué en son temps un rôle essentiel dans la diffusion en France de la culture artistique italienne, avec laquelle il s’est familiarisé lors de deux longs séjours dans la Péninsule. Il a même rencontré Michel-Ange. Selon Richard Crescenzo, qui présente cette édition, “on trouve chez lui une curiosité pour tous les aspects de l’art de son temps (peinture, sculpture, architecture) sans équivalent dans les écrits de ses contemporains”. Quand Vigenère traduit les Décades de Tite-Live, il accompagne sa traduction d’annotations constituant une encyclopédie de la civilisation romaine. Quant à sa version des Images ou Tableaux de platte-peinture de Philostate, elle se présente comme une somme sur la mythologie antique. Évidemment, la langue du XVIe siècle peut paraître bien étrangère, mais ce volume constitue un précieux outil pour les étudiants et les chercheurs.
Les célèbres sculptures antiques mises au jour à Rome au XVIe siècle, comme le Laocoon, figurent naturellement en bonne place dans les livres de Vigenère. Comme le savant français, tous les théoriciens, tous les collectionneurs et bien sûr tous les artistes, de la Renaissance au XIXe siècle, voueront à ces sublimes vestiges de l’Antiquité une admiration sincère. Dans Pour l’amour de l’antique, en 1988, Francis Haskell et Nicholas Penny avaient retracé ce chapitre essentiel de l’histoire du goût. La réédition en poche omet toutefois toute la seconde partie de l’ouvrage, qui consacrait une étude à un certain nombre de sculptures emblématiques, de l’Apollon du Belvédère à la Vénus Médicis.
Signalons enfin La couleur éloquente, dans lequel Jacqueline Lichtenstein envisage les rapports de la rhétorique et de la peinture à l’âge classique. Des discours sur la peinture à la peinture comme discours.
- André Chastel, Renaissance italienne 1460-1500, Gallimard, coll. Quarto, 952 p., 320 ill., 160 F. ISBN 2-07-075333-6.
- Blaise de Vigenère, La Renaissance du regard, anthologie présentée et annotée par Richard Crescenzo, École nationale supérieure des beaux-arts, coll. Beaux-arts Histoire, 240 p., 135 F. ISBN 2-84056-070-4.
- Francis Haskell et Nicholas Penny, Pour l’amour de l’antique, la statuaire gréco-romaine et le goût européen, Hachette littératures, coll. Pluriel, 260 p., 70 F. ISBN 2-01-278918-8.
- Jacqueline Lichtenstein, La couleur éloquente, rhétorique et peinture à l’âge classique, Flammarion, coll. Champs, 285 p., 61 F. ISBN 2-08-081641-1.
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Grands livres, petit format
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°98 du 4 février 2000, avec le titre suivant : Grands livres, petit format