Série - Champions sportifs ou cuisiniers, les films d’animation du Japon déroulent à peu près tous des CV.
Netflix diffuse actuellement une série qui retrace le quotidien d’un étudiant en arts plastiques, Yatora Yaguchi, lycéen plutôt doué, qui ne sait que faire de son avenir. Issu d’un milieu modeste,aucune des possibilités qui s’offrent à lui ne le passionne vraiment. Au hasard d’un couloir du lycée, il pousse la porte du cours de peinture et ressent comme un appel. Un nouveau monde s’ouvre à lui : il deviendra artiste. Sans connaissance du monde de l’art, sans moyens, Yatora va tout miser sur le concours d’entrée à l’Université des arts de Tokyo. Diffusé début octobre, le premier épisode s’intitule « J’ai succombé au plaisir de peindre ». Chaque épisode d’une vingtaine de minutes travaille et nuance cette idée du « plaisir ». Pas toujours sympathique, souvent énigmatique, Yatora Yaguchi est traversé de sentiments contradictoires. À la joie de créer, qu’il ressentira rarement, s’ajoute l’ambition de la réussite et l’angoisse de l’échec. Le jeune homme se voit surtout constamment déchiré entre le besoin de s’exprimer et celui de plaire. Au lieu de servir son envie de devenir artiste, le concours finit par s’y substituer. « Faire ce qu’on aime, songe-t-il, n’est pas toujours amusant. »À ce stade de la série, Yatora et ses camarades ne s’intéressent pas à la peinture japonaise. Blue Period nous offre donc une perspective nippone sur l’art occidental et son enseignement. Yatora a vite acquis les techniques de volume ou de profondeur. Or on le sent paralysé, crispé, pleurant, transpirant face au chantier. Une fois maîtrisé le moyen d’expression, il ne parvient pas à atteindre l’expression elle-même. Les maîtres de Yatora sont des maîtresses. Leur rôle ne consiste pas à canaliser l’inspiration de l’élève, mais à l’arracher à la camisole de son introversion.Le titre fait références aux jeunes années de Picasso et intronise la teinte reine de la série. Dans un quotidien terne, les couleurs jaillissent des tubes et de l’atelier. L’écran lui-même se fait palette ou toile sur laquelle glisse le pinceau, comme dans Le Mystère Picasso d’Henri-Georges Clouzot. Le plus étonnant reste ce héros au physique indéterminé des films d’animation japonais. Ses yeux sont jaunes et sa silhouette grise. Autant que celle d’un artiste, Blue Period dresse le portrait de l’adolescent en esquisse.
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Esquisse d’adolescence
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°750 du 1 janvier 2022, avec le titre suivant : Esquisse d’adolescence