Histoire

Dogon, gens de la falaise

Par L'Œil · L'ŒIL

Le 1 mai 2004 - 477 mots

Bandiagara, Sanga ou encore Iréli sont des noms mythiques qui, depuis 1931, évoquent en France le nord du Mali et nous transportent dans le sillage de Marcel Griaule et de Michel Leiris. Cette fois, chez les Dogon, gens de la falaise, c’est Agnès Pataux que nous suivons à travers l’objectif de son Yashica : elle le fixe sur une culture africaine étudiée, célébrée, photographiée, filmée comme peu d’autres depuis l’expédition Dakar-Djibouti (1930-1933).
Décors austères et magnifiques, grandeur des sites au flanc de la roche, grottes profondes, terrasses, échelles dressées contre la falaise, Agnès Pataux livre une lecture du pays dogon en contrastes de noir et blanc, en effets de matière, en rugosité de la pierre, en plissé des étoffes. Geneviève Calame-Griaule relit dans le regard de cette photographe une région et un peuple qu’elle a découverts dès 1946 avec son grand ethnographe de père. Son introduction est un commentaire généreux et poétique : on y apprend que les Dogons s’identifient à l’herbe sauvage « dogo », qui repousse sans cesse et qu’aucune destruction ne peut anéantir. Retournant, soixante-dix ans après, sur les pas des auteurs de L’Afrique fantôme, de Dieu d’eau et du Renard pâle, Agnès Pataux n’adopte une approche ni ethnographique, ni touristique. Et pourtant rien ne manque : la densité des paysages sanga, les greniers aux toits pointus d’Iréli, le Hogon Nagali Guindo qui monte la garde devant ce monde secret incarnant la tradition, la sagesse ancestrâle, la durée. Même noblesse, même simplicité dans les portraits, mêmes façades de maison avec niches, mêmes expressions au-delà des rayons de la lumière crue du Sahel se perdant dans les rides d’expressions, mêmes greniers comme des forteresses qui se détachent de la pierre.
La photographe capture la divination du renard pâle, mythe fondateur de la société dogon, qui fut révélé à Marcel Griaule durant ses trente-trois jours d’entretiens avec Ogotemmêli. Elle parvient à nous communiquer la beauté d’un jardin géométrique d’oignons pilés, mis en boule, séchés, seule production exportable du pays dogon. Ou celle que dégagent les fourches et les entailles des échelles adossées contre la falaise, ou encore celle des lieux de culte et des nécropoles. Mais la plus remarquable réussite de cet ouvrage est de ménager au lecteur une rencontre avec des individus dont le caractère dépasse leur appartenance au peuple dogon. Agnès Pataux prend soin de préciser l’identité de chacun de ces portraits, qui, du fait qu’ils ne sont pas anonymes, vont au-delà du reportage ethnographique : hommes et femmes de tous âges, Aniga Témé, la fileuse, les vieux Kiré Guindo et Anay Doumbo portant le bonnet dogon traditionnel, Amso Témé drapée dans son grand châle sombre. Des images de femmes, des images de mère, des portraits hiératiques, figés dans leur gravité.

Agnès Pataux, Dogon, gens de la falaise, introduction de Geneviève Calame-Griaule, 5 continents, coll. « Imago mundi », 2004, 136 p., 29,95 euros.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°558 du 1 mai 2004, avec le titre suivant : Dogon, gens de la falaise

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