Architecture

Dessine-moi une maison

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 8 juillet 2005 - 770 mots

Au cours du XXe siècle, la demeure particulière a constitué pour les architectes un espace de liberté et d’expérimentation. Tour d’horizon à travers 150 exemples.

Le marché de la maison individuelle, en France en tout cas, a depuis longtemps – et malheureusement – échappé aux architectes. Mais pour ces derniers, ce thème de la demeure particulière est pourtant un laboratoire de perpétuelles expérimentations et innovations. « Écrire une histoire de la maison au XXe siècle, observe Richard Weston, c’est un peu passer en revue les grandes idées architecturales du siècle. » L’auteur du présent ouvrage a donc réuni quelque 150 exemples clés, en les classant en huit thématiques : « La maison comme œuvre d’art » ; « La maison moderne » ; « Des « machines à habiter » » ; « Lieux, climats et cultures » ; « Le Rêve américain » ; « La modernité scandinave » ; « Maisons postmodernes, habitat postmoderne » ; « Continuité et mutation ». On notera que le chapitre « La maison comme œuvre d’art » est bien distinct de celui intitulé « La maison moderne », comme si la modernité ne pouvait engendrer quelque œuvre d’art…

Plantée face à la mer
Tous les projets mythiques figurent évidemment dans Maisons du XXe siècle, telles la maison sur la cascade de Frank Lloyd Wright, la maison de verre de Philip Johnson ou encore la Casa Malaparte, à Capri. Y sont largement mis en valeur le Finlandais Alvar Aalto et le Danois Jorn Utzon. Une présence appuyée qui n’est pas le fait du hasard. Richard Weston les connaît bien : il est en effet l’auteur d’une monographie sur chacun d’eux. On pourrait donc aisément l’accuser de partialité, mais l’éthique est sauve : le nombre de réalisations signées Le Corbusier ou Frank Lloyd Wright dépassent celles des Scandinaves d’une large tête.
Certaines maisons sont peu mises en valeur : une seule photo intérieure pour la maison Hvitträsk du trio finlandais Gesellius/Lindgren/Saarinen ; une simple axonométrie pour la maison Müller d’Adolf Loos, à Prague… Question : peut-on vraiment montrer la complexité d’un projet – à des initiés, et davantage encore à des non-initiés – à partir d’une unique photo ou d’un dessin minuscule ? Ou encore quand le cliché choisi est anecdotique, comme c’est le cas avec la maison Neuendorf de Pawson & Silvestrin à Majorque ? Assurément non. D’autres projets, en revanche, comme la maison Schröder de Gerrit Rietveld, à Utrecht (Pays-Bas), et la villa Savoye de Le Corbusier, à Poissy (Yvelines), bénéficient d’un traitement de faveur, avec plans, vues extérieures et intérieures… Certains maîtres d’œuvre, enfin, auraient mérité mieux : un maigre plan pour illustrer le travail important du Portugais Alvaro Siza sur le thème de la maison est décidément léger.
On retrouve, dans Maisons du XXe siècle, moult défauts inhérents au choix d’un sujet général : les photographies, sans doute issues d’archives diverses, ne sont pas toutes de même qualité. Certaines ne racontent pas grand-chose : elles sont soit anodines – sur les vues extérieures de la maison Horner d’Adolf Loos ou de la maison Rudin de Herzog & de Meuron, les constructions sont littéralement mangées par les frondaisons –, soit microscopiques : que comprend-on exactement de ces deux bâtisses édifiées aux États-Unis, la maison Reid de Clark & Menefee et celle de Machado & Silvetti ? Rien.
Mieux vaudra donc se focaliser sur quelques projets originaux, comme la maison-atelier de Konstantin Melnikov, à Moscou – deux cylindres imbriqués l’un dans l’autre et éclairés d’étranges fenêtres hexagonales –, ou ce « salon » que Kaija et Heikki Siren ont ajouté à leur résidence d’été sur l’île de Lingonsö, en Finlande : un espace à couper le souffle baptisé Kaapeli [la chapelle], planté face à la mer et destiné à la contemplation de la nature. La maison la plus singulière reste néanmoins ce prototype imaginé en 1928 par Richard Buckminster Fuller et baptisé Dymaxion : « Conçu pour être transporté par avion dans le monde entier, [il] faisait appel à des matériaux et à des techniques empruntés à l’aéronautique et envisageait toutes sortes de technologies nouvelles, dont certaines devinrent réalité avec le développement du voyage dans l’espace. » Quelques caractéristiques : bain atomiseur ; vêtements et nourriture rangés sur des étagères tournantes ; linge lavé, séché, repassé et plié automatiquement dans des conteneurs ; intérieur entièrement climatisé et nettoyé grâce à des systèmes centraux d’air comprimé… Bref, un spécimen qui aurait passé haut la main un casting pour Mon Oncle de Tati.

RICHARD WESTON, MAISONS DU XXe SIÈCLE, éd. Hazan, 2002 réédition 2005, 272 p., 400 illustrations dont 250 en couleurs, 30 euros, ISBN 2-7541-0032-6.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°219 du 8 juillet 2005, avec le titre suivant : Dessine-moi une maison

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