Documentaire - Dafen est probablement le musée à ciel ouvert le plus impressionnant qu’il soit donné de visiter.
En périphérie de Shenzhen, au sud de la Chine, quelque 10 000 artistes peignent à la chaîne la Joconde, Mao, Marilyn, Napoléon, etc. Le charmant Canaletto de votre pizzeria préférée vient probablement de cette drôle de ville. Copyright Van Gogh suit Zhao Xiaoyong qui, depuis une vingtaine d’années, s’est spécialisé dans la reproduction de Van Gogh. Son principal client, un Hollandais, lui propose de venir lui rendre visite à Amsterdam. Malgré ses maigres revenus, l’artiste est décidé à découvrir, pour la première fois, de véritables Van Gogh.
Copyright Van Gogh s’ouvre comme la simple exploration d’un village surprenant. La caméra se faufile dans ce labyrinthe d’ateliers où chacun peint sans rien créer. Dafen, à première vue, n’est qu’un rouage du made in China triomphant de la région du delta des Perles. Cependant, on comprend que pour Zhao Xiaoyong, Van Gogh n’est pas un simple logo. Ces nuits étoilées touchées mille fois du pinceau, ces tournesols caressés du couteau sans lassitude… finissent par tisser un lien intime très particulier entre l’imitateur et le modèle. Avec le voyage vers l’Europe, le documentaire change de dimension. Copyright Van Gogh devient une dérive hallucinée, où l’alcool et la fatigue du décalage horaire se mêlent pour faire jaillir le fantôme du génie. Discrète dans la première partie, la musique déborde d’une image qui frise le flou. Xiaoyong marche dans Paris. Plus loin, ivre de Provence, il tangue dans les rues d’Arles, sous les bleus de crépuscules familiers. Sans jamais les atteindre, il les a si souvent frôlées, ces teintes ! Xiaoyong est à la fois perdu et chez lui. Et voici, à Auvers-sur-Oise, le lierre qui rassemble les tombes du maître et de son frère. Trois pommes, des cigarettes chinoises en guise d’encens. La fumée monte et se dissout dans l’éternité tandis qu’un long cri chinois jaillit dans le ciel de France, au-dessus des champs en friche « Van Gogh !! ». Dans le Hunan, région natale de Xiaoyong, un chauffeur de taxi lui avait brutalement demandé s’il était un plagiaire. Copyright Van Gogh rend au contraire hommage à ces modestes « artistes-ouvriers ». Xiaoyong crée les œuvres d’un autre en attendant, peut-être, de peindre un jour les siennes. Il ne reproduit pas seulement une image, mais le geste même du créateur. Qui connaît mieux Van Gogh que Zhao Xiaoyong ?
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Des tournesols made in China
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°748 du 1 novembre 2021, avec le titre suivant : Des tournesols made in China