De Maisons en manoirs

Chef-d’œuvre de l’architecture française du Grand Siècle, le château de Maisons, édifié par François Mansart pour René de Longueil, a fait l’objet de nombreuses études. Le parc et les résidences du XIXe siècle n’avaient pas en revanche bénéficié du même intérêt. Le rôle de Mansart dans l’aménagement du parc et des jardins est aujourd’hui généralement accepté, et l’auteur s’appuie sur un poème d’Abraham Revaud, composé à la gloire du commanditaire, pour en proposer une reconstitution. Les transformations radicales de l’espace environnant avaient en effet bouleversé la physionomie du lieu : au XIXe siècle, le site avait vu naître “l’un des ensembles urbains les plus originaux qui soient en France”, fondamental pour la connaissance de “l’urbanisme de villégiature”.

Au-delà de la simple spéculation immobilière, le banquier Jacques Laffitte, à l’origine du premier lotissement, est animé d’une véritable ambition sociale, dans l’esprit des théories de Charles Fourier. Pour bâtir les logements qu’il souhaite accessibles à tous, grâce au développement du crédit immobilier, divers architectes sont sollicités, parmi lesquels se distingue la personnalité de Charles Duval. Ses constructions cultivent une architecture pittoresque, empruntant aussi bien à l’Angleterre qu’à la Suisse, à l’Italie qu’à l’Amérique, dont l’importance dans le nouveau visage du site apparaît clairement dans le chapitre qui lui est consacré. Le néoclassicisme puis l’historicisme prennent le relais, tandis que la cité s’embourgeoise et devient “le lieu d’une villégiature élégante”. En mettant en valeur cette deuxième vie du parc de Maisons, Sophie Cueille écrit une belle page de l’histoire de l’urbanisme, servie par une riche iconographie.

Plus austère – à l’image de son objet –, l’étude consacrée au manoir en Bretagne, réservée plutôt à des spécialistes, met également à profit les enquêtes de l’Inventaire, sans pour autant prétendre à l’exhaustivité. Demeure “médiane” entre la chaumière et le château, le manoir, à l’instar de la petite noblesse qu’il abrite, constitue “le gros des troupes”. Or, ainsi qu’il est souligné dans l’ouvrage, “l’architecture médiane des temps modernes, celle de la bourgeoisie en ville, celle des gentilshommes campagnards aux champs, trop récente pour solliciter l’attention des archéologues, trop peu savante pour séduire celle des historiens de l’art, trop élaborée pour retenir celle des ethnologues, n’était regardée que distraitement”.

L’enjeu de l’analyse menée sur ce type de construction, si caractéristique du paysage français, n’est rien moins que de “construire une véritable histoire de l’habitat rural” en le confrontant à celui des autres régions. L’ouvrage passe en revue les divers constituants du logis, et met en évidence des types architecturaux originaux, comme le logis-porte dont on trouve des exemples similaires outre-Manche. Il révèle ainsi une architecture qui, si elle est “médiane”, n’est pas sans qualités.