Les éditions Arthena consacrent une première monographie à ce talentueux dessinateur et peintre de décors souvent réduit à une image d’artiste officiel sous l’Empire.
Depuis une trentaine d’années, une poignée d’historiens de l’art et de conservateurs redécouvrent ces artistes situés à la lisière des XVIIIe et XIXe siècles trop souvent négligés car considérés comme secondaires. Après Ménageot, Berthélemy, Peyron, Réattu (lire p. 20) ou Cogniet, c’est au tour de Charles Meynier (1763-1832) de sortir de l’ombre. Les éditions Arthena (Association pour la diffusion de l’histoire de l’art) lui consacrent une monographie, publication qui s’est accompagnée d’une exposition (lire l’encadré). Élève de François André Vincent, dessinateur virtuose et grand décorateur, Charles Meynier a longtemps été occulté par ses contemporains, Girodet, Gros, Gérard, Guérin, Prud’hon et Isabey. Pourtant, Meynier est « un beau peintre, varié, ambitieux, capable de vraies réussites », note en préface Jean-Pierre Cuzin. Conclusion de la thèse qu’elle a soutenue à la Sorbonne en 2005, l’ouvrage d’Isabelle Mayer-Michalon est composé de deux parties : la première retrace la vie et la carrière de Meynier, la seconde recense le catalogue de son œuvre, avec des attributions récentes, suivie d’une riche bibliographie et de documents d’archives. L’auteure a rédigé son étude dans la lignée de l’exposition organisée en 1974 sous la houlette de Pierre Rosenberg, à Paris et New York, intitulée « De David à Delacroix. La peinture française de 1774 à 1830 ». Elle a aussi tenu compte des travaux effectués depuis pour remettre au goût du jour cette période particulière pour la peinture qui va du règne de Louis XVI à la fin de la Restauration. L’œuvre de Meynier en est résolument indissociable. Pensionnaire de l’Académie de France à Rome pendant la Révolution, l’artiste a, dès les débuts de l’Empire, embrassé une carrière de peintre officiel en participant aux plus grandes commandes de l’État. En témoignent Les Soldats du 76e régiment de ligne retrouvant leurs drapeaux dans l’arsenal d’Inspruck..., une toile de cinq mètres de long, réalisée en 1808 pour la galerie de Diane aux Tuileries et conservée à Versailles, ou le Retour de Napoléon dans l’île de Lobau après la bataille d’Essling, le 23 mai 1809, peint pour la salle de l’Empereur au palais du Luxembourg. Meynier a d’ailleurs été longtemps réduit à son image d’illustrateur de la geste napoléonienne et la délicate Sagesse préservant l’Adolescence des traits de l’Amour, exécutée pour le comte Giovanni Battista Sommariva, en 1810, fait figure d’exception. « Les dessins de Meynier, plus que ses tableaux aux sujets souvent imposés, reflètent une grande culture, une étude approfondie de l’antique et une connaissance littéraire peu banale », souligne Isabelle Mayer-Michalon, n’hésitant pas à qualifier l’artiste de « dessinateur spectaculaire, à la technique parfaitement maîtrisée ». Mais, peut-être plus encore que le dessinateur, c’est le peintre des décors, l’un des « plus importants de sa génération », que l’auteure veut mettre en lumière. Et de citer la galerie des Muses exécutées en 1795-1796 pour l’hôtel Boyer-Fonfrède installé à Toulouse, un projet qui ne verra jamais le jour : Clio, muse qui préside à l’histoire ; Calliope, muse qui préside au Poème épique ; Polymnie, muse qui préside à l’Éloquence ; et Apollon, dieu de la Lumière, de l’Éloquence et des Beaux-Arts. Les quatre toiles ont été acquises en 2003 pour le Musée de Cleveland (Ohio, États-Unis), à la grande déception de quelques spécialistes français.
Agrémenté de reproductions de qualité, l’ouvrage d’Arthena permet de mesurer l’ampleur des talents de Meynier. L’artiste n’est pas un cas isolé, et la maison d’édition a en réserve de nombreuses monographies dans l’attente d’une publication...
Editions Arthena (Association pour la diffusion de l’histoire de l’art), 2008, 326 p., 92 euros, ISBN 978-2-903239.
La monographie des éditions Arthena consacrée à Charles Meynier s’est accompagnée d’une exposition. D’abord présentée à la bibliothèque-musée Marmottan de Boulogne-Billancourt, elle est visible à partir du 11 juillet à Dijon, au Musée Magnin. Une cinquantaine de peintures et dessins y seront dévoilées au public. Ainsi de La France triomphante encourageant les Sciences et les Arts, conservée à Marmottan, qui avait permis une redécouverte de l’artiste lors de l’exposition de 1974. Citons encore la présence des quatre tableaux exécutés en 1794 et 1795, représentant des Statues de Diane, d’Apollon, Mercure et Polymnie. Conservés au Musée de la Révolution française à Vizille (Isère), ils témoignent de ses qualités de peintre décorateur. S’il a été impossible de déplacer ses œuvres monumentales, les grands décors publics sont évoqués avec nombre d’esquisses et feuilles préparatoires où s’expriment les talents de dessinateur de Meynier. « Charles Meynier », Musée Magnin, 4, rue des Bons-Enfants, 21000 Dijon, tél. 03 80 67 11 10, www.musee-magnin.fr. Du 11 juillet au 12 octobre.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°285 du 4 juillet 2008, avec le titre suivant : Charles Meynier au grand jour