Philosophe spécialisée en esthétique, Audrey Rieber publie chez ENS Éditions un deuxième ouvrage pointu sur la préhistoire : Le Défi préhistorique. Repenser l’histoire depuis l’art paléolithique.
À l’occasion d’une visite de la réplique de la grotte de Lascaux à Montignac, j’ai été bouleversée par un sentiment d’identité et de proximité avec les peintres de Cro-Magnon. J’ai alors voulu réfléchir à cette émotion liée à l’expérience du temps et de la rencontre du très ancien et du contemporain.
C’est en effet pour la philosophie un point de départ inhabituel, qui aiguise la pensée. J’ai dû lire, en philosophe, des textes d’anthropologues, de préhistoriens, d’artistes. Les peintures préhistoriques, comme les objets gravés ou les bifaces dont certains remontent à plus d’un million d’années, ouvrent une durée culturelle abyssale et bouleversent notre rapport à l’histoire de l’art. La découverte de la grotte d’Altamira (Espagne), en 1879, a été un véritable choc. Il a fallu attendre 1902 pour que la communauté scientifique accepte l’idée d’un art préhistorique. Quant à l’histoire de l’art de l’époque, elle se concentre alors sur les époques classiques, notamment la Renaissance et le Baroque. C’est pourquoi j’ai dû sortir des sentiers battus, en m’intéressant, par exemple, à Elie Faure (1873-1937), médecin et historien de l’art, qui fait alors des conférences sur l’art préhistorique dans des universités populaires pour les ouvriers. Il a intégré l’art préhistorique dans notre histoire, malgré les préjugés de l’époque.
La question de savoir si notre art commence dans les grottes espagnoles ou de Dordogne est ouverte. On peut défendre l’idée d’une continuité, mais certains théoriciens discutent la thèse d’une discontinuité. Aujourd’hui encore, certains imaginent que le début, c’est l’art égyptien. C’est un vrai choix intellectuel. Pour ma part, je penche plutôt pour une continuité avec la préhistoire, parce que c’est une hypothèse qui m’encourage à réfléchir le temps long. Carl Einstein (1885-1940), qui n’est pas non plus un historien de l’art de profession, propose une autre approche. Son histoire de l’art est parcourue par deux tendances, l’une paléolithique, associée au nomadisme, disruptive, faisant éclater le cadre, l’autre néolithique, liée à la sédentarité, stabilisatrice, conservatrice. Quand Braque et Picasso font voler en éclat un espace conventionnel, il s’agit d’un retour au paléolithique.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Audrey Rieber : « Dans notre histoire de l’art, je penche plutôt pour une continuité avec la préhistoire »
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°783 du 1 mars 2025, avec le titre suivant : Audrey Rieber : « Dans notre histoire de l’art, je penche plutôt pour une continuité avec la préhistoire »