Au cœur de la création, la folie ?

C’est le propos du psychiatre et psychanalyste Thierry Delcourt dans son dernier livre La Folie de l’artiste : créer au bord de l’abîme. Aristote, déjà, établissait un lien entre le génie et la folie. La psychiatrie et la psychanalyse ont permis d’étudier les pathologies mentales des créateurs – comme le fait le psychiatre Philippe Brénot dans Le Génie et la Folie [Odile Jacob, 2007] – aussi bien que leurs fantasmes, révélés par exemple dans les Fantasmes d’artistes [Odile Jacob, 2014] du psychanalyste Daniel Sibony. Mais, pour Thierry Delcourt, pas question de poser des diagnostics sur les artistes évoqués, de leur coller une quelconque étiquette ou d'interpréter leur vie et leur œuvre exclusivement à l’aune de leurs liens à leur père ou à leur mère. À partir de la correspondance, des écrits et des confidences de quatorze artistes, dont Dalí, Giacometti, Bacon et Garouste, le psychiatre, déjà auteur de Créer pour vivre, vivre pour créer [L’Âge d’homme, 2013], poursuit ses recherches sur les mécanismes à l’œuvre dans le processus de création, qu’il rend accessibles à un large public. Avec sensibilité et rigueur, il lève un voile sur le mystère de la création, par une approche synthétique de la vie et la création de ceux qui marchent sur une ligne de crête et acceptent de plonger au plus profond d’eux-mêmes pour donner forme aux vibrations du monde qu’ils ressentent. Au fil des pages, le lecteur découvre ainsi la subtile alchimie à l’œuvre dans une quête créatrice où la folie rôde. Si l’auteur ne romance rien, son ouvrage se lit comme un roman. Il permet au lecteur d’entrevoir la matrice du surgissement de l’art, et la mise en danger qu’il mobilise.