Aperçus sur l'art du jardin paysager

Le XIXe siècle est une époque riche en personnages flamboyants. Le prince Hermann von Pückler-Muskau (1785-1871) fut sans doute l'un des plus curieux. Cet ami des princes Charles et Guillaume de Prusse – futur empereur – avait découvert dans l'œuvre de Goethe un modèle, voire une règle de vie, et surtout, une passion : celle de la nature, du paysage, et bien évidemment celle des jardins. Il allait y perdre sa fortune, le domaine ancestral et certains amours. Mais il y gagnera nombre d'amitiés, une vie de voyages et d'aventures, et pour tout dire la célébrité en tant que théoricien des jardins paysagers. Il est vrai qu'en ce début de siècle l'Europe vit encore sous le charme des jardins anglais, avec leurs ordonnements variés ponctués de pelouses ouvertes. En comparaison, l'Allemagne fait pâle figure. Aussi, Hermann von Pückler-Muskau déploie, dès les années 1820, une énergie et une fortune considérables afin de convaincre ses concitoyens qu'il existe désormais des modèles sans doute plus adaptés à l'âme germanique. Son arme principale : ces fameux Aperçus sur l'art du jardin paysager publiés en 1834. Rapidement considéré comme une véritable bible de l'aménagement des jardins, ce guide prône une reconsidération de la nature en vue d'un style plus pittoresque. La traduction de ce livre, supervisée par Eryck de Rubercy, nous permet donc de comprendre avec précision l'esthétique qui va régir les jardins et les parcs de la deuxième moitié du XIXe siècle. Mais surtout, il s'agit là d'un récit, celui d'une promenade sensuelle dans des univers faits de bosquets, de rochers et d'eaux. Ravi, l'on y découvre combien planter un arbre n'est pas un geste anodin, mais au contraire une intervention qui dépasse tout cadre esthétique pour s'inscrire à jamais dans notre mémoire affective, dans notre rapport intime à la nature et à nos origines.