Les trois ventes parisiennes les plus attendues du mois de décembre ont pointé
du doigt l’incertitude du marché de l’art moderne et contemporain. Dans la fébrilité ambiante, les valeurs sûres comme Picasso se maintiennent,
et la cote d’amour d’Andy Warhol se confirme.
PARIS - Contrasté. Le qualificatif sied à ravir au bilan des ventes d’art moderne et contemporain orchestrées dans la seconde quinzaine de décembre par les poids lourds de la spécialité : les études Cornette de Saint Cyr et Tajan, et la maison de vente Artcurial-Briest. Cette dernière remporte très nettement la palme avec près de 6,7 millions d’euros de produit vendu, frais compris, après une vente fleuve de trois jours, quatre catalogues à la clé ; un pari audacieux compte tenu du contexte instable du marché, accentué par la récente hausse des frais imputables à l’acheteur. Mais même chères, les œuvres prisées du marché international ont trouvé preneur, tandis que les habituées du marché français restaient en général sur la touche. Un bon résumé des règles du jeu actuelles.
Les 6 millions de francs (914 614,10 euros) remportés le 17 décembre en soirée sous le marteau de Me Briest par L’Homme au chapeau, huile sur contreplaqué peinte par Picasso en 1965 ont sans doute bien détendu l’atmosphère à l’hôtel Dassault. Pour sa première vente, la maison Artcurial-Briest, fraîchement agréée, tenait son record. Sacré tableau le plus cher de l’année 2001 vendu en France dans la catégorie art moderne, l’œuvre, qui n’illustrait pas la meilleure facture du Catalan, partait chez son acheteur de Las Vegas en ayant vaillamment respectée son estimation de 5 à 7 millions de francs. Un bon présage pour un marché parisien d’après-11 septembre, qui, selon l’expert d’Artcurial-Briest, Martin Guesnet “reste très volatil, même si on a évité le crash. L’arrivée de l’euro est favorable aux investissements, mais en fait, on ne sait pas où l’on va”.
Toujours pour Picasso, le Nu allongé de 1965, présenté le 19 décembre à l’hôtel Four-Seasons-George-V par l’étude Tajan, estimé également entre 5 et 7 millions de francs, n’a pas été vendu. Ce tableau avait pourtant toujours été conservé en main privées, alors que son “concurrent” d’Artcurial-Briest provenait d’une galerie milanaise. Une déception, peut-être due aux 14,35 % de frais au vendeur désormais pratiqués par Tajan dans la tranche haute d’adjudication, alors que ces frais s’élèvent à 9 % chez Artcurial-Briest, qui peut se targuer de pratiquer les plus bas d’Europe et des États-Unis pour les enchères dépassant 100 000 euros. La meilleure adjudication de cette vacation consacrée à l’art moderne allait à une huile sur toile d’Albert Marquet, Le Grand Canal à Venise (1936), adjugée 2,2 millions de francs (335 387,83 euros) pour une estimation de 2 à 2,5 millions de francs. Le produit de cette vente s’élève à 15,5 millions de francs hors frais, avec six enchères millionnaires.
Le même jour, l’étude Cornette de Saint Cyr était la seule maison de vente à présenter au feu des enchères une sélection d’œuvres exclusivement et résolument contemporaines, issues de cinq collections privées et de divers amateurs. Le produit de cette vente s’élève à 838 835,47 euros sans les frais. Les estimations dépassaient rarement les 500 000 francs, excepté pour une huile sur toile découpée de Tom Wesselmann, Pat with blue pillow, qui n’a pas trouvé preneur à 1,3-1,5 million de francs. Frileux au-dessus de 100 000 francs d’estimation, malgré des frais plafonnant à 10,76 %, les acheteurs ont cependant réservé un bon accueil à quelques œuvres plutôt pointues. Ainsi, une installation de Joseph Kosuth, intitulée One or Three Tables, suscitait 400 000 francs (60 979,61 euros) pour une estimation de 400 000 à 500 000 francs. Une sculpture du Coréen Nam June Paik, Danton, réalisée en 1989 à partir de postes de télévision, trouvait preneur à 500 000 francs (76 224,51 euros), pour une estimation de 500 000 à 700 000 francs. Les plus belles enchères de la vente allaient cependant à la star montante des ventes parisiennes, Andy Warhol, dont une Silver Liz avait atteint en octobre le record de 5,8 millions de francs, justement lors d’une vente de l’étude Cornette de Saint Cyr. Cette fois, il s’agissait d’œuvres de facture plus modeste, mais un Two-Dollar Bill, acrylique et encre sérigraphiée de 1962, recueillait 380 000 francs (57 930,63 euros) pour une estimation de 300 000 à 400 000 francs, et un Portrait du prince Charles de 1983, estimé entre 500 000 et 600 000 francs, partait chez un amateur américain pour son estimation basse. On peut faire un parallèle entre ces réussites et celles enregistrées la veille par Artcurial-Briest, pour l’art contemporain cette fois. Record mondial battu, avec 1,4 million de francs pour une image de Mao Tsé-toung de petit format (30,5 x 25,4 cm), acrylique sérigraphiée sur toile réalisée par Warhol en 1973, estimée entre 1,4 et 1,6 million de francs. Autre thème de prédilection de l’artiste, un Dollar Sign (228 x 180 cm) de 1982, toujours à l’acrylique et sérigraphie sur toile, respectait son estimation haute : 1,8 million de francs. Présentée pour la première fois en vente publique en France, une série de douze Children Paintings (28 x 35,5 cm) de 1983 se négociaient 1,6 million de francs pour une estimation de 1,6 à 1,8 million de francs. Ces trois œuvres ont été achetées par des collectionneurs américains, seuls les Children Paintings resteront en France, où réside l’acheteur. “Paris se confirme en tant que place internationale, analyse Martin Guesnet, mais, pour ma part, je déplore que les artistes français de la Figuration libre ou narrative, comme Klasen ou Combas, ne se vendent plus. C’est un marché franco-français qui n’a plus cours, une génération perdue.” Pessimisme confirmé par le taux d’invendus d’artistes de ces écoles, chez Artcurial-Briest comme chez Cornette de Saint Cyr. Une belle enchère pour une Composition de 1956 par Fautrier viendra cependant remonter le moral des amateurs d’art français ; adjugée 1,55 millions de francs, toujours chez Artcurial-Briest, pour une estimation de 1,2 à 1,5 million de francs. L’acheteur, on pouvait s’y attendre, est un collectionneur parisien.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Warhol en tête
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°140 du 11 janvier 2002, avec le titre suivant : Warhol en tête