PARIS
La quatrième exposition de la photographe autodidacte organisée par la galerie Les Douches à Paris rencontre un vif succès public. Pourtant si l’œuvre suscite l’intérêt des institutions américaines et allemandes, ce n’est pas encore le cas de leurs homologues françaises.
Paris. Rares sont les galeries obligées de limiter le flux de visiteurs pour leur exposition. Face à l’affluence pour « JR » chez Perrotin en 2015, l’enseigne avait dû revoir son organisation du week-end. C’est aujourd’hui à Vivian Maier (1926-2009) de susciter un engouement tel que la galerie Les Douches se voit contrainte de réguler l’afflux de visiteurs. Cette histoire d’une nanny photographe autodidacte surdouée, au talent découvert après sa mort, est digne, il est vrai, d’un film dont le rôle-titre pourrait être tenu par Emma Thompson, tant la ressemblance est flagrante pour l’un de ses autoportraits. Car Vivian Maier, à l’instar de Cindy Sherman, a l’art à tout âge de la métamorphose, ce d’une manière bien particulière : en explorant les possibilités qu’un miroir dans une boutique ou le reflet d’un toaster peut lui offrir en jeux de cadrage.
La quatrième exposition que lui consacre la galerie parisienne élargit la vision de l’œuvre, à la couleur en particulier. Autoportraits, scènes de rue ou d’intérieur déploient, sur la seule période 1960-1970, une grande variété d’approches. De la photographie de rue à une mise en scène plus conceptuelle ou surréaliste (cet homme à moitié avalé par une haie d’arbustes est digne d’une scène de Paul Nougé), Vivian Maier déjoue les tentatives d’enfermement dans un style ou une école. L’exposition « The Color Work » le raconte sobrement à partir d’une trentaine de tirages en couleurs issus du fonds de John Maloof, le principal détenteur de l’œuvre de la photographe, soit 4 500 images couleur sur un ensemble constitué de 140 000 négatifs de films Ektachrome ou Kodacolor non développés. John Maloof était entré en possession de ce fonds en achetant en 2007 un lot d’archives photos non identifiées dans une salle des ventes de Chicago. Le lot comprenait également 3 000 tirages noir et blancs réalisés du vivant de la photographe. Douze années se sont écoulées, riches en découvertes, mais aussi en querelles juridiques autour de l’identité de ses ayants droit et du statut de ces tirages post mortem – L’accord conclu par John Maloof en 2016 avec l’administrateur nommé pour gérer ce patrimoine permet désormais aux ayants droit identifiés de percevoir les droits d’auteur afférents à l’exploitation du fonds, menée de concert avec le galeriste Howard Greenberg. La célèbre enseigne photo new-yorkaise a en effet collaboré très tôt avec l’Archive/John Maloof pour la sélection des images à tirer et leur diffusion.
La publication de Vivian Maier. The Color Work chez Harper Design donne ainsi lieu aujourd’hui à une double exposition, l’une à la Howard Greenberg Gallery (jusqu’au 2 mars), et l’autre à Paris. La sélection de la galerie Les Douches menée à partir des tirages détenus par l’enseigne new-yorkaise ouvre toutefois à d’autres photographies couleur et noir et blanc pour des prix s’échelonnant entre 2 500 et 6 000 euros selon le numéro d’édition – chaque tirage est à 15 exemplaires, dans un seul et unique format.
Sa cote, avec des prix, pour les plus bas, passés de 1 800 euros en 2013 à 2 500 euros aujourd’hui, connaît une hausse modeste. L’intérêt des collectionneurs et des institutions en revanche est décuplé depuis l’accord trouvé pour l’exploitation de l’œuvre. Du moins en Amérique du Nord et en Allemagne. Car en France, la question du tirage posthume suscite toujours le même l’embarras, en particulier pour les institutions publiques, qui n’ont procédé à aucune acquisition. L’achat récent effectué par la National Gallery of Art de Washington montre une attitude tout autre. De même, le Philadelphia Museum, le Colombus Museum of Art ou le Museum Folkwang à Essen, en Allemagne, ont fait entrer les photographies de Vivian Maier dans les collections publiques. Le talent de la photographe américaine née à New York en 1926 d’un père américain, Carl Maier, et d’une mère française, Marie Jaussaud, ne fait plus aucun doute outre-Atlantique. Une grande exposition se prépare à Chicago et la publication de la biographie rédigée par l’Américaine Anne Marx, fruit de trois années de recherche, est programmée pour le deuxième semestre en France. Une sortie déjà événement compte tenu de ce que l’on continue de découvrir sur la vie de Vivian Maier et sur son parcours photographique, au-delà de ses visites au MoMA de New York pour « Five French Photographers » (1952), « The Family of Man » (1955) et « Diane Arbus » (1972).
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Vivian Maier retente sa chance
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°517 du 15 février 2019, avec le titre suivant : Vivian Maier retente sa chance