Après les débordements observés au cours de ces trois dernières années, le milieu de l’art se prépare depuis le mois de septembre à une période de glaciation.
Une ère où la fatuité n’est plus de mise. Jusqu’alors, les acheteurs acceptaient des galeristes anglo-saxons une grossièreté qu’ils n’auraient jamais tolérée de la part d’aucun autre fournisseur. Dorénavant, ce sont eux qui mènent la danse. De fait, les marchands les plus clairvoyants misent sur la notion de service pour convaincre le chaland. « On ne cherche plus le “collectionneur” mais le client », confie un galeriste. Les hôtels de Miami les guettaient tout autant lors de la semaine marathonienne d’Art Basel Miami Beach. Le quotidien Miami Herald rapportait que, selon l’agence de voyage Turon, les réservations ont baissé de 10 % cette année. Et pour cause ! Les établissements avaient abusé des visiteurs de la foire à coups de tarifs insensés pour une prestation souvent quelconque. Or, comme le souligne Philip Hoffman, président du fonds d’investissement en art The Fine Art Fund, « l’art et tout ce qui s’en approche est actuellement tout en bas [de l’échelle] des priorités. Pendant les six prochains mois, les gens voudront garder leur “cash”. »
À l’instar des acheteurs, les galeristes entendent se serrer la ceinture. « Je vais être flexible, ne pas voyager en business. On ne sera pas dans une stratégie de survie, mais de conscience », observe ainsi le galeriste bruxellois Xavier Hufkens. Son confrère parisien Emmanuel Perrotin préfère mettre en sommeil sa galerie de Miami (lire p. 26) pour se concentrer sur son cœur de métier à Paris. Le marchand de design Patrick Seguin (Paris) mettra, lui, le holà sur les expositions qu’il organisait à New York. Pour réduire les frais, de nombreux exposants d’Art Basel Miami Beach avaient pris des stands communs. « Si on n’a plus d’argent pour venir à Miami l’an prochain, et bien tant pis, il y a des problèmes autrement plus graves ! », tempérait la galeriste berlinoise Esther Schipper, laquelle a cette année partagé son stand avec Air de Paris (Paris). D’autres entendent arbitrer leur participation aux foires. Le galeriste de Chicago Donald Young fera vraisemblablement deux salons en 2009 contre cinq en 2008. La galeriste Almine Rech (Paris) préfère tenter l’aventure d’Art Dubaï plutôt que retourner à l’Armory Show (New York), trois mois après avoir pris le pouls d’une Amérique ankylosée à Miami. La frilosité ambiante pourrait modifier l’échiquier de ces manifestations. Rattrapée par une lassitude perceptible même au pic de l’embellie, Art Basel Miami Beach risque de perdre son statut de destination fair, une baisse de régime peut-être profitable à l’Armory Show. De son côté, la Foire internationale d’art contemporain (FIAC, Paris) a toutes ses chances face à Frieze Art Fair (Londres) dont le positionnement fashion n’est guère adapté à la circonstance.
Les créateurs eux-mêmes sont conscients que les années de vaches grasses sont derrière eux. « Aucun artiste ne va augmenter ses prix l’an prochain, confie Samia Saouma, de la galerie berlinoise Max Hetzler. Mais les créateurs ne vont pas arrêter de travailler parce qu’il y aura la crise. Il y aura toujours de bonnes œuvres. » Bref toute l’industrie de l’art compte faire le dos rond en attendant que la tempête passe et que le désir revienne.
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Vers une nouvelle donne
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°293 du 12 décembre 2008, avec le titre suivant : Vers une nouvelle donne