Doublement lauréate des prix CCF et Altadis 2000, elle est aujourd’hui l’une des valeurs sûres de la photographie contemporaine. Une tentative obsessionnelle d’appropriation du réel pousse Valérie Belin à photographier en noir et blanc des objets inanimés ou des figures humaines.
Son œuvre se décline d’abord en bibelots, vases, miroirs de verre passablement kitsch, en somptueux vêtements à caractère funèbre, tels les robes en dentelles de Calais reposant au fond de leurs boîtes, ou les robes de mariées de Fabien Durand, véritables métaphores de l’absence du corps de la jeune épousée. Fleurs diaphanes, épaves d’automobiles accidentées ou carcasses de viande d’abattoir nourrissent également sa quête, baignée d’une certaine volonté de mémoire et de célébration. Cependant, plus que l’objet lui-même c’est sa capacité à capter la lumière et à la transformer par des jeux de transparences, de camaïeux et de reflets qui intéresse l’artiste. Son analyse « spectrale » entraîne au terme des multiples prises de vue une perte de substance pour l’objet ou l’être photographié. La série des luxueux miroirs de Venise nous entraîne dans un dédale où le regard se perd dans une diagonale de fuite, continuellement renvoyé par réflexion dans une nouvelle direction. Comme dans la scène finale de La Dame de Shanghai d’Orson Welles, le reflet vertigineux des multiples miroirs intrigue, se rit de l’absence des corps et laisse le protagoniste en prise à l’illusion d’une proximité qui se dérobe. La figure jusque-là pressentie de manière métaphorique apparaît enfin de façon paroxystique avec la série des bodybuilders. Par leur jeu de miroitement, leur réseau lumineux, les corps hypertrophiés et huilés des culturistes se situent dans la continuité des travaux antérieurs de l’artiste sur le verre ou le métal. Suite à cette expérience, Valérie Belin s’intéresse au mariage, allant jusqu’à mettre une annonce chez Tati pour réaliser ses photographies. Cet attrait confirme l’aspect cérémoniel de son travail, que ce soit dans la mise en scène d’objets ou dans le culte absurde du corps observé chez certains sportifs. Ce sont les robes et parures extrêmement ornementales des mariées marocaines qui éveillent finalement sa curiosité. Démarche compliquée et lente, commencée à Paris, puis poursuivie au Maroc où l’artiste se mêle aux cérémonies matrimoniales qui s’étalent sur trois jours, mais se trouve en but à la censure. « Il est très difficile d’obtenir des autorisations pour prendre des photos. Au Maroc, j’ai dû lutter pour faire des clichés des mariés. Mais honnêtement, je ne vous cache pas que c’est aussi ce qui m’a motivée ». L’excès se situe cette fois-ci dans le costume, sorte d’armure, d’architecture qui nie totalement le corps, devenu élément de la robe. Il ne s’agit pas de portraits car les jeunes femmes photographiées sur fond blanc disparaissent totalement sous leur robe monumentale, en perte d’une identité qui se délite. Corps décoratifs que l’artiste appréhende comme des objets inertes. Ce travail est pour Valérie Belin l’alliance de l’aspect sculptural et hiératique des culturistes, du caractère ornemental et plan des miroirs vénitiens. « Certaines de ces robes ont alors retenu mon attention parce qu’elles semblaient réaliser la synthèse inattendue du corps avec l’ornemental, voire l’abstrait ».
PARIS, galerie Xippas, 10 février-17 mars.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Valérie Belin
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°523 du 1 février 2001, avec le titre suivant : Valérie Belin