Le salon s’est renforcé dans le contemporain, au détriment du primitif et du moderne.
PARIS - Paris Photo, une foire classique ? Le reproche qu’on a souvent pu lui faire est de moins en moins fondé. Sans être toujours renversante, la photo contemporaine a dominé cette 8e édition. Derrière la quantité gargantuesque de clichés, on percevait une tendance générale à la nature avec le beau triptyque d’Ilkka Halso chez Taik (Helsinki) vendu pour 9 000 euros à un collectionneur new-yorkais, ou les fleurs signées de grands noms, mais à l’étiquette interchangeable, chez Thierry Marlat (Paris). Les prépubères en « petite » culotte courte étaient l’autre marotte du salon. Les minois inquiétants photographiés par Loretta Lux sont apparus comme les best-sellers de Yossi Milo (New York), tandis que la fillette très balthusienne d’Angela Strassheim intriguait les visiteurs chez Marvelli (New York).
Plusieurs couples improbables d’Elena Dorfman chez le New-Yorkais Edwynn Houk se sont négociés autour de 3 500 dollars (2 700 euros). Cette série grinçante d’hommes amourachés de mannequins en silicone renvoyait aux photos de rues de Beverly Hills par Anthony Hernandez (3 600 euros) chez Polaris (Paris). Entre une potiche en plastique et une cocotte californienne, le mimétisme est frappant ! Plus à l’est, la femme n’est pas moins aliénée. Grâce au « scandale » entourant les photos de l’Iranienne Shadi Ghadirian, ces dernières proposées pour 1 400 euros chez Silk Road (Téhéran) se sont vendues comme des petits pains. La soif d’exotisme mêlée à une bonne conscience politiquement correcte a aussi permis le succès de Mes tantes Touran et Iran de Malekeh Nayini (2 600 euros), image plutôt kitsch achetée par le couturier John Galliano et le marchand de design Éric Philippe. Il est dommage que les visiteurs aient choyé cette galerie courageuse pour de mauvaises raisons, sans dépasser les clichés habituels de l’Orient. Pour preuve le travail intelligent, mais moins littéral, du groupe Atlas chez Sfeir-Semler (Hambourg), notamment la série Already Been in a Lake of Fire traitant des voitures piégées au Liban (10 000 dollars), laquelle n’a pas trouvé preneur.
Paris Photo s’exporte
Quels que soient les bémols, Paris Photo est une vraie foire internationale, la seule sans doute en France dans le contemporain. Au gré d’une clientèle locale plutôt curieuse et d’un grand arrivage étranger, le rythme des affaires a été solide de bout en bout, surtout sur de petits montants. La moyenne des transactions a rarement excédé les 10 000 euros, à l’exception notable d’un Hiroshi Sugimoto vendu à un collectionneur français pour 60 000 euros par Ulrich Fiedler (Cologne), et d’une photo de Désirée Dolron cédée au prix ahurissant de 30 000 euros chez Michael Hoppen (Londres). Il est bon de rappeler de temps à autre que la photographie n’a pas à être chère pour être considérée comme un art ou un marché à part entière, ni à porter les couleurs de l’Amérique pour séduire les amateurs d’outre-Atlantique. « Paris Photo n’est pas une foire américaine ni une foire d’art américain, même si le nombre des galeries américaines est important. On y fait des découvertes qui sortent d’un art globalisé », remarquait avec justesse le galeriste Tom Gitterman (New York).
Si le contemporain était vendeur, les vintages faisaient plutôt grise mine. Côté primitif et moderne, le panel relevait souvent du deuxième, voire du troisième choix. Le stand trop entendu de Hans P. Kraus Jr. (New York) laissait les connaisseurs sur leur faim, malgré le dessin photogénique d’un lacet de dentelles par William Henry Fox Talbot (200 000 dollars). L’accrochage de Daniel Blau (Munich) n’avait rien de bien fascinant, un mur reprenant les négatifs de Louis de Clercq, invendus de l’an dernier. Côté moderne, la pioche n’est pas plus fameuse, si ce n’est l’ensemble de Lisette Model chez Ricco/Maresca (New York). Certains mériteraient un vrai coup de semonce pour les prochaines éditions... En attendant la cuvée 2005, avec un « Statement » espagnol, Paris Photo concocte des boutures à New York, sans doute pour 2006, et au Japon. On ne change pas une formule qui gagne, mais on l’exporte !
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Une foire sur coussin d’air
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°203 du 19 novembre 2004, avec le titre suivant : Une foire sur coussin d’air