Organisé du 15 au 18 novembre, le salon a été pénalisé par la grève des transports publics et la frilosité des Américains.
PARIS - S’il est fréquent de sortir d’une édition de Paris Photo en en ayant plein les mirettes, le dernier cru a laissé un sentiment mitigé tant sur le plan artistique que commercial. L’effort de lisibilité, consenti l’an dernier par la majorité des galeries, s’est noyé dans des accrochages en patchwork. Difficile de prendre la mesure d’un travail par des échantillonnages ! Certes, il y avait de quoi mordre, entre les bribes de visages d’Helmar Lerski chez Kicken (Berlin), l’esprit préraphaélite des jeunes filles en fleurs de Julia Margaret Cameron (1868) chez Robert Hershkowitz (Sussex, Grande-Bretagne), ou encore la plongée revigorante dans le néoréalisme italien d’Admira (Milan). De son côté, Tom Gitterman (New York) offrait un beau dialogue entre les photos abstraites de Roger Catherineau et celles d’Aaron Siskind. La palme revenait aux portraits d’artistes chez Massimo Minini (Brescia). Le regard butinait sans ennui d’un de Chirico vieillissant sur une gondole, telle une relique de l’ancien monde, à l’objectif d’Ugo Mulas, témoin et complice de Lucio Fontana. Révélés par Fotografia Italiana Arte Contemporanea (Milan), les collages très Arte Povera de Mario Cresci attestaient d’un esprit photographique étrangement absent de la plupart des photos contemporaines distillées sur les cimaises.
Le tropisme contemporain de Paris Photo ne fut, en effet, guère convaincant au gré de clichés plus proches de l’imagerie que de l’image, de la déco que du concept. Outre les Statements, terriblement décevants, excepté Carlo Valsecchi chez Guido Costa (Turin), le panel attestait d’une certaine crise de ce médium. « Il y a une perte des référents culturels, regrette Jacques Damez, codirecteur de la galerie Le Réverbère (Lyon). Comme la photo n’a pas eu le temps de s’inscrire dans l’histoire de l’art, les fondamentaux sont oubliés et ça se voit cette année. »
Même les bonnes galeries abusaient des mêmes filons ad nauseam, à l’instar de Charles Cowles (New York), dont les Mona Kuhn et Edward Burtynsky finissent par épuiser le regard. Le truculent promoteur de la photographie finlandaise, Taik (Helsinki), cédait, quant à lui, au gigantisme au gré de tirages dilatés comme des baudruches. Une photographie de cinq mètres de long d’Ola Kolehmainen sur son mur extérieur prenait ainsi des allures de palissade. Il était aussi surprenant qu’une galerie comme Clairefontaine (Luxembourg), connue pour ses beaux Dieter Appelt, se soit fourvoyée dans des photos de Giacomo Costa, mélange du Grand Bleu et du Cinquième élément ! Le meilleur du contemporain s’entrevoyait toutefois dans le stand radical de Dominique Fiat (Paris), les œuvres de Martha Rosler chez Anne de Villepoix (Paris) ou les clichés de transsexuels de Zanele Muholi et les Hyena men toute en ambiguïté de Peter Hugo chez Michael Stevenson (Cape Town, Afrique du Sud).
Outre ces bémols, Paris Photo a dû composer avec la grève des transports français et allemands, laquelle a empêché ou retardé la venue des clients belges et germaniques (8 000 visiteurs en moins par rapport à 2006 soit 32 000 au lieu de 40 000), et la baisse du dollar responsable de l’absence de certains Américains. Certes, Anne de Villepoix a cédé une photo de Christophe Draeger à la Maison Européenne de la Photographie via la banque Neuflize, tandis que le Fonds national d’art contemporain (Paris) s’est saisi chez Polaris (Paris) du cliché de Stéphane Couturier représentant la rue des Bons Enfants, siège des services administratifs du ministère de la Culture. Bien que certaines galeries aient fait un carton, comme Bonni Benrubi (New York) ou The Photographer’s gallery (Londres), un leitmotiv revenait en boucle : « bien, mais sans folie ». « Il manquait un certain nombre de collectionneurs influents qui constituent des forces dynamiques, remarquait la galeriste Yancey Richardson (New York). Les Américains aiment regarder et acheter, mais avec le cours du dollar, ils ne trouvent pas ça très amusant en Europe. Ils préféreront aller à Aipad [New York]et Photo Miami. » Pour Laurence Miller (New York), qui a vendu sept vintages d’Helen Levitt, la baisse de la présence américaine ne fut guère pénalisante : « J’étais venu pour vendre aux Européens. Je pensais que mes prix en dollars les attireraient et ce fut le cas. J’ai vendu beaucoup à des Anglais, qui bénéficient encore plus que les Français de l’écart avec le dollar. » Le dépit des uns fait le bonheur des autres.
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Une édition en demi-teinte
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°270 du 30 novembre 2007, avec le titre suivant : Une édition en demi-teinte