Stefania Bortolami a travaillé de 1995 à 1998 avec le galeriste Anthony d’Offay (Londres), puis jusqu’en 2004 avec Larry Gagosian. En 2005, elle a ouvert une galerie à Chelsea (New York) en association avec Amalia Dayan, avant de reprendre les parts de son associée en 2007.
Quel sera l’impact de la crise sur votre activité ?
Les gens ont peur de perdre leurs emplois et n’ont pas la tête à acheter de l’art. Il y aura un plus petit volume d’activité. On devra réduire le nombre d’employés à la galerie, le train de vie, ne plus voyager en classe business... J’envisageais d’ouvrir un Project space avec un ami dans le quartier de Bowery [New York], mais c’est typiquement le type de projet que je ne ferai pas en ce moment. Il faudra aussi proposer une œuvre à dix personnes avant de réussir à la vendre. Avant, on pouvait la céder à la première personne venue. Il y a deux ans, on choisissait à qui l’on allait vendre. Maintenant, il faut trouver les acheteurs. On ne doit pas perdre courage. Parfois, on peut douter de la qualité d’une œuvre quand cinq personnes refusent de l’acheter, mais si nous n’y croyons plus, c’est fini. Le rééquilibrage en cours était nécessaire. Il était ridicule qu’un jeune artiste vale 20 000 dollars (15 943 euros) et l’année suivante un million. Personnellement, ça ne me dérange pas de continuer à vendre à 15 000 ou 20 000 dollars. Aucun de mes artistes n’a connu d’envolée. Si Aaron Young était devenu célèbre il y a trois ans, il vaudrait très cher maintenant. Mais, heureusement pour lui, ce n’est pas le cas. Il peut continuer à vendre à des prix qui correspondent à son âge. Les artistes ne vont plus penser qu’ils doivent automatiquement vendre.
Comptez-vous aussi réduire le nombre de foires ?
Non, il faut faire les foires, autrement on se coupe les jambes. C’est un lieu fondamental pour les rencontres.
Vous avez été formée à deux écoles, celles d’Anthony d’Offay et de Larry Gagosian. Quels enseignements tirez-vous de leurs méthodes de travail ?
Anthony m’a appris ce qu’était le métier de galeriste, le souci du détail, le choix des auteurs pour les catalogues. Larry m’a enseigné le dynamisme, le fait de travailler du matin au soir. Sa méthode, c’est d’être « agressif ». Il cible bien l’acheteur, sait mettre la bonne personne devant le bon tableau. Quand il pense que quelqu’un doit acheter une œuvre, il y arrive.
L’an dernier, vous avez exposé Daniel Buren. Comment son travail a-t-il été perçu par les Américains ?
L’accueil a été incroyable. On avait mis ses tableaux des années 1965-1966 à côté de pièces de 2007. Les deux corpus d’œuvres étaient différents, mais on voyait les pas qui menaient d’un travail à l’autre. Celles des années 1960 ont été achetées par des musées américains comme le MoMA (Museum of Modern Art), le Walker Art Center [Minneapolis], le Musée de Philadelphie. Le MoMA avait déjà une œuvre de lui, mais pas de pièces anciennes. Le Walker [Art Center] possède une collection importante d’art européen et il était normal que Daniel Buren la rejoigne.
Outre Buren, vous présentez aussi des créateurs en milieu de carrière comme Michel François, ou hors norme comme Luigi Ontani. Comment ces derniers s’insèrent-ils dans une programmation de jeunes artistes ?
Mon travail principal reste celui des jeunes artistes. Je voulais absolument faire une exposition d’Ontani, qui est un artiste singulier, excentrique que je devais sortir de mon sang, un peu comme j’avais présenté Alighiero e Boetti chez Gagosian. C’est mon héritage italien, mais je ne représente pas Ontani. Pour ce qui est de Michel François, l’une des premières œuvres que j’ai achetées dans ma vie, c’était une de ses photos. Quant à Daniel, c’est un artiste culte pour les plus jeunes créateurs de ma galerie.
Étrangement, il a rejoint à New York une jeune galerie, tout comme il est représenté à Paris par une jeune galerie, Kamel Mennour.
Daniel veut absolument être avec des jeunes artistes. Il n’a pas besoin du tampon d’une galerie comme Marian Goodman car son œuvre se suffit à elle-même.
En quoi consiste le face-à-face entre Eric Wesley et Aaron Young que vous avez prévu sur Art Basel Miami Beach ?
Voilà trois ans, Eric avait travaillé sur le logo de la banque Wells Fargo, qui représente une diligence. Il en avait fait une sculpture avec une carriole accidentée. Pour Miami, il continue le principe, sauf que la carriole est encore plus éclatée. Aaron extraie lui les clôtures des stades de basket-ball qu’il fait plaquer en or 24 carats. Ça fait riche, mais c’est du simple maquillage. C’est un projet approprié dans le contexte actuel, n’est-ce pas ?
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Stefania Bortolami, galeriste
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°292 du 28 novembre 2008, avec le titre suivant : Stefania Bortolami, galeriste