Art ancien

Saint Jean-Baptiste rentre au pays

Le nouveau La Tour exposé dans la Moselle

Le Journal des Arts

Le 1 janvier 1995 - 574 mots

La ville natale de Georges de La Tour accueillera l’été prochain le dernier tableau identifié du maître, qui vient d’être acheté par les Musées nationaux, le Conseil général de la Moselle et le Conseil régional lorrain

PARIS - Le tableau de Georges de La Tour, Saint Jean-Baptiste dans le désert, préempté par les Musées nationaux pour 11 100 000 francs, frais inclus, lors de la vente de Sotheby’s au Sporting d’Hiver à Monaco le 2 décembre, sera exposé l’été prochain dans la ville natale du peintre, Vic-sur-Seille, en Moselle. Auparavant, l’œuvre sera nettoyée et restaurée dans les laboratoires des Musées de France au Louvre.

"Certains pensaient que le tableau pouvait être une œuvre de jeunesse", nous a confié Jacques Thuillier, professeur au Collège de France, spécialiste de La Tour et auteur de la monographie du peintre parue chez Flammarion en 1993. "Mais en examinant ce Saint Jean-Baptiste à côté du Saint Sébastien du Louvre, nous avons constaté qu’il y avait la même ligne, la même couleur. Il s’agissait bien de la même main, du même esprit.

Le fait que le teableau ne soit pas signé montre qu’il n’était pas destiné à l’exportation. Nous sommes donc nombreux à penser que Saint Jean-Baptiste est une œuvre tout à fait de la fin de la carrière de La Tour. C’est le genre d’œuvre difficile, extrêmement austère, que le peintre a dû faire pour lui-même ou pour quelqu’un de proche – il était assez célèbre pour se permettre cela."

Échec d’une dation
Très sale et difficilement lisible à travers une épaisse couche de vernis jauni, cette toile était restée totalement inconnue jusqu’à sa présentation, le 28 octobre 1993 à Drouot-Richelieu, sans estimation, dans l’exposition d’une vente non cataloguée et sans expert, de l’étude Rabourdin et Choppin de Janvry (voir le JdA n° 8, novembre). Le tableau, qui faisait parti d’une succession en indivision, avait alors fait sensation, tant chez les marchands qu’auprès des conservateurs du Louvre. Retiré de la vente en raison d’un désaccord entre les vendeurs, Saint Jean-Baptiste dans le désert est devenu le sujet de longues négociations pour une dation au profit des Musées de France. Ces pourparlers ayant échoué, les propriétaires se sont tournés vers Sotheby’s.

Le 27 septembre, le nouveau La Tour a été interdit de sortie du territoire français. La lettre adressée par le ministre de la Culture Jacques Toubon aux propriétaires du tableau, publiée par Sotheby’s comme preuve de son authenticité, justifie la décision de la commission qui a refusé le certificat de sortie : "Ce tableau est une œuvre extrêmement rare et très originale d’un de nos grands peintres français du XVIIe siècle."

Présenté au Louvre
Le 2 décembre, Saint Jean-Baptiste dans le désert – qui aurait pu, selon Sotheby’s, atteindre entre 20 et 25 millions de francs sur le marché international –, a été préempté par l’État au profit du Conseil général de Moselle, qui contribue pour 3,5 millions de francs au prix d’achat. Le Conseil régional de Lorraine doit verser 2,5 millions de francs et les Musées nationaux les 5,5 millions restants. La décision d’acheter le tableau, prise, en consultation avec le Louvre, par le maire de Vic-sur-Seille Philippe Leroy, président du Conseil général de la Moselle, remontait à octobre, lorsque Sotheby’s a annoncé la vente.

Avant son exposition à Vic-sur-Seille, le tableau sera présenté au Louvre. À partir de l’automne prochain, Saint Jean-Baptiste dans le désert pourrait être accroché dans d’autres musées régionaux de l’Est de la France.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°10 du 1 janvier 1995, avec le titre suivant : Saint Jean-Baptiste rentre au pays

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