Ancien directeur du Museum of Contemporary Art de Chicago, Robert Fitzpatrick est depuis janvier 2008 directeur international de la galerie Haunch of Venison (Londres, Zurich, Berlin, New York).az
Vous avez quitté le Musée de Chicago pour rejoindre le monde du commerce. Pourquoi ?
Lorsque j’ai été nommé directeur du Museum of Contemporary Art de Chicago, j’ai précisé que je resterai dix ans au maximum. Un changement de direction au bout de dix ans est sain, car le monde de l’art contemporain évolue. Dix ans, c’est assez long pour définir un projet et une collection, puis laisser la place. Au début de ma carrière, j’étais président de CalArts [école d’arts visuels de Valencia, Los Angeles]. J’étais alors dans la formation des jeunes artistes, avant de connaître le monde des musées. Le seul endroit de la chaîne qui manquait, c’était la galerie. Pour moi, le galeriste joue un rôle-clé dans le développement de l’artiste. J’aime beaucoup le mot français « porte-parole », [désignant] celui qui porte la parole. Les galeries sont beaucoup plus présentes que les musées pour l’introduction d’un artiste dans le monde de l’art. Je n’ai pas abandonné mes principes, mes passions, c’est une autre façon de les exercer. Ce qui m’intéresse chez Haunch of Venison, c’est la dimension internationale avec ses antennes à Londres, Zurich, Berlin et New York.
Lisa Dennison a quitté la direction du Guggenheim Museum pour rejoindre Sotheby’s. Ce passage au privé est-il aussi mal perçu aux États-Unis qu’il l’est en France ?
Quand j’ai quitté CalArts, je suis devenu le premier P.-D. G. d’Eurodisney à Paris. Ariane Mnouchkine m’a dit : « Mon pauvre Robert, tu vas créer un Tchernobyl culturel ! », un point de vue délicieusement typique des intellectuels de gauche. Puis Agnès Varda m’a annoncé qu’elle ne pourrait plus continuer à me parler. Je me suis entendu dire que j’avais traversé une frontière irréversible, que j’étais un homme sans passeport. Alors, les grincements de dents, je connais !
L’achat d’Haunch of Venison par Christie’s n’arrange pas les choses et beaucoup de foires, hormis celle de Maastricht, ont fermé leurs portes à la galerie…
Lorsque Haunch of Venison a été acquise par Christie’s, on a parlé de trahison. Je me suis dit que là, je pourrai être « confortable ». Je n’aime pas les choses faciles, et il y avait suffisamment de défis pour clarifier les choses, dire « n’ayez pas peur », « nous n’avons pas changé de régime moral ». La question des foires est regrettable, mais pas insurmontable. Les choses vont changer. Une foire importante qui nous avait refusés vient de nous accepter. Notre exclusion est fondée sur une perception incorrecte. Les artistes qui s’inquiétaient de l’impact sur leurs œuvres, craignant que celles-ci ne passent immédiatement en vente, ont compris qu’il ne fallait pas s’en faire. Il y avait aussi une jalousie vis-à-vis d’une galerie disposant de ressources énormes. Notre but n’est pas d’écraser les autres galeries ni de voler leurs artistes. Dans les prochains group shows, nous allons d’ailleurs travailler avec d’autres galeries.
Est-ce pour calmer le jeu que vous avez inauguré en septembre votre espace new-yorkais avec une exposition non commerciale sur l’abstraction américaine ?
Qu’une galerie d’origine londonienne et qu’un conservateur anglais, David Anfam, examinent un sujet américain, c’était culotté ! Nous voulions montrer notre sérieux. Dans une ville où il existe plusieurs centaines de galeries, une de plus, est-ce utile ? Non, si elle fait la même chose que les autres. Il faut être différent. Notre prochaine exposition intitulée « Take me there, show me the way » traitera uniquement de sculptures avec Matt Collishaw, Haluk Akakçe, Jeppe Hein… En mars, l’artiste Jitish Kallat sera le curateur d’une exposition sur l’Asie.
Un tiers des prêts de l’exposition inaugurale provient de musées comme le Whitney (New York) et la Tate (Londres). Aux États-Unis, les institutions acceptent-elles de prêter aux galeries ?
Il y a une dizaine d’années, elles ne prêtaient presque jamais et les galeries le demandaient peu. C’est aujourd’hui mieux accepté, mais cela reste exceptionnel. Dans notre cas, ils ont prêté car l’exposition n’était pas commerciale.
Christie’s a acheté Haunch of Venison et Sotheby’s a vendu des œuvres de Damien Hirst sans passer par la galerie. Est-ce une confusion ou une redistribution des rôles ?
C’est une redistribution. Les choses doivent-elles rester inéluctablement figées ? Les commissaires-priseurs français n’avaient pas changé depuis plusieurs siècles et ils disaient que c’était interdit que cela change. Les choses évoluent, les protectionnismes tombent, qu’on le veuille ou non. Ceux qui ne le veulent pas vont rester à la traîne. Il faut observer les changements en se posant les bonnes questions et non commencer d’emblée par interdire.
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Robert Fitzpatrick, galerie Haunch of Venison
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°291 du 14 novembre 2008, avec le titre suivant : Robert Fitzpatrick, galerie Haunch of Venison