Robert Capa, Vietnam Inc, Alger

L'ŒIL

Le 1 février 2002 - 410 mots

Afin de répondre à l’engouement de plus en plus prononcé du public pour la photographie, les éditeurs n’hésitent plus à lancer sur le marché quelques luxueuses monographies impensables il y a encore quelques années. Il convient donc de saluer les éditions Phaïdon qui viennent de publier deux ouvrages remarquables. Le premier, consacré à Robert Capa (1913-1954), se présente comme une sorte de parcours exhaustif de l’œuvre de l’un des fondateurs de l’agence Magnum. Sélectionnées avec soin par son frère Cornell parmi près de 70 000 clichés, les 937 images reproduites par ordre chronologique font apparaître une figure singulière, inédite pour l’époque : le photo-reporter. C’est en effet Capa qui a forgé le mythe du reporter qui court de guerre en guerre tout en prenant le temps pour quelques séances de photo glamour à Hollywood ou pour une enquête dans le Sud de l’Italie. De cet engagement sans faille, qu’il paya de sa vie, subsistent quelques-unes des icônes de notre siècle dont ces fameuses images de la guerre d’Espagne ou du débarquement en Normandie. Avec le Vietnam Inc de Phillip Jones Griffiths, nous changeons de registre. Conçu comme une dénonciation virulente de la guerre du Viêtnam, cet ouvrage enregistre avec un certain détachement les contradictions d’une société soudain figée par les horreurs d’une guerre aux enjeux incertains. Lors de sa sortie aux Etats-unis en 1971, cet ensemble de photographies avait profondément marqué l’opinion publique au point de devenir rapidement un classique vite épuisé, heureusement réédité aujourd’hui par les éditions Phaidon. Le magnifique Indochine au XIXe siècle des éditions Marval, nous permet de remonter dans le temps pour revivre les premières formes de colonisation française dans cette partie du monde. Face à une société terrienne encore tributaire de ses traditions ancestrales, les nouveaux arrivants enregistrent avec fascination un exotisme qui leur paraît à la fois merveilleux et mystérieux. L’exotisme qui est au centre d’Alger au XIXe siècle est d’une autre nature. Cette fois, les photographes narrent la mise sous tutelle d’un territoire pour mieux l’intégrer au système colonial français. De ces images étonnantes ressort finalement un profond dédain de ses nouveaux maîtres pour une société qu’ils détruisent lentement.

- Richard Whelan, Robert Capa, éd. Phaidon, 572 p., 957 ill., 68,60 €. Philip Jones Griffiths, Vietnam Inc, éd. Phaidon, 224 p., 300 ill., 37,96 €. Des photographes en Indochine au XIXe siècle, éd. Marval, 264 p., 167 ill, 59,90 €. Alger photographiée au XIXe siècle, éd. Marval, 172 p., 158 ill., 55 €.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°533 du 1 février 2002, avec le titre suivant : Robert Capa, Vietnam Inc, Alger

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