Une toile du peintre du noir restée invendue en 2016, chez Phillips, a été adjugée plus de six millions d’euros chez Sotheby’s Paris, au sein d’une forte session de ventes d’art contemporain.
Paris. Une toile d’un artiste de renom, invendue aux enchères, peut-elle signer un nouveau record mondial quelques mois plus tard en passant sous le marteau d’une autre maison ? Le scénario est hautement improbable, une œuvre restée sur le carreau étant bien souvent déconsidérée sur le marché. C’est pourtant la démonstration de force effectuée par Sotheby’s lors des ventes d’art contemporain organisées début juin à Paris.
En février 2016, Phillips proposait à Londres une toile de Soulages de 1962 associant noir et bleu lumineux, avec une estimation de 2,5 à 3,5 millions de livres sterling (3,2 à 4,5 M €). La provenance était belle : avant d’être cédée 373 000 dollars en 1990 et de partir en Suisse, l’œuvre provenait de la collection personnelle de Sam Kootz, galeriste américain de l’artiste, mort en 1982, qui fut le premier à montrer outre-Atlantique les artistes de l’abstraction française d’après-guerre, aux côtés de Robert Motherwell, Mark Rothko ou Willem de Kooning. L’œuvre ne trouvait cependant pas acheteur.
Des valeurs sûres de l’après-guerre à l’encan
Ce 6 juin au soir, chez Sotheby’s Paris, ladite toile était remportée 6,1 millions d’euros au téléphone avec Stefano Moreni, directeur du département d’art contemporain, suscitant les applaudissements de la salle. « Après l’épicentre de 1957-1959, où Soulages est à son plus haut niveau, les années de 1959 à 1963 constituent une période de transition. Mais l’image est forte et le bleu est convaincant. Son résultat chez Sotheby’s illustre bien l’impact de la stratégie de la maison de ventes. Un an avant, il ne trouvait pas enchérisseur sur une base de 3 millions ! », explique Franck Prazan, galeriste spécialiste de la seconde école de Paris, qui a consacré plusieurs expositions au peintre de l’outrenoir.
La progression de la cote de l’artiste, dont le précédent record s’élevait à 5,1 millions d’euros, a été impressionnante ces dix dernières années : selon Artprice, le produit des ventes aux enchères le concernant a augmenté de 232 % entre 2006 et 2016. « Le marché est très fort et cela ne fait que commencer. Dans peu de temps, ses toiles se vendront à New York, comme tous les grands artistes internationaux », prédit-il. Sotheby’s avait d’ailleurs exposé l’œuvre outre-Atlantique pendant ses grandes ventes du mois de mai et Emmanuel Perrotin vient tout juste d’inaugurer sa galerie japonaise avec une exposition dévolue à Soulages. L’artiste, âgé de 98 ans, était bien représenté lors de ces deux soirées parisiennes : trois toiles chez Sotheby’s, et trois autres chez Christie’s. Cette dernière n’a pourtant pas réussi à vendre celle qui figurait en couverture de son catalogue – un grand « $ » noir sur fond blanc exécuté en 1967 – estimée entre 1,3 et 1,8 million d’euros. « L’écriture était très inhabituelle pour l’artiste », fait remarquer Franck Prazan. Le même soir, deux autres œuvres de Soulages de 2007 et de 1955 atteignaient respectivement 1 et 1,3 million d’euros.
De façon plus globale, ces vacations parisiennes ont obtenu des résultats importants, s’appuyant sur une stratégie payante, celle de mettre en avant des artistes de la scène hexagonale – qu’ils soient français ou aient déployé une partie de leur carrière dans le pays – en misant sur les valeurs sûres que sont les artistes de l’après-guerre : outre Soulages, Nicolas de Staël, Dubuffet, Zao Wou-Ki, Chu Teh-Chun… « Il est logique de faire coïncider histoire de l’art et place de marché. C’est avec cette stratégie que nous avons ouvert le marché à Paris », indique Franck Prazan, qui était directeur général de Christie’s lors de l’ouverture de sa salle à Paris.
Le total des ventes du soir des deux maisons de ventes a augmenté de près de 45 % par rapport à celui de l’an dernier. Sotheby’s a obtenu son meilleur chiffre d’affaires pour l’art contemporain à Paris, avec 26,4 millions d’euros récoltés en une seule soirée, près du double de l’estimation basse. Sur les quarante et une proposées, seule une œuvre est restée invendue. Christie’s, elle, a récolté 16,9 millions d’euros pour un nombre de lots similaire, avec un taux de ventes tout aussi excellent, de l’ordre de 95 %. Parmi les lots qui ont marqué cette saison, figurent encore, du côté de chez Christie’s, Honfleur signé de Nicolas de Staël (1,6 million d’euros) et du côté de Sotheby’s, une huile de Zao Wou-Ki de 1962 (3,6 millions d’euros) ou le Paysage gris aux taches cerise de Jean Dubuffet (1,9 million d’euros).
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Record mondial pour Soulages
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Abonnez-vous dès 1 €Pierre Soulages,Peinture 162 x 130 cm, 14 avril 1962, huile sur toile, 162 x 130 cm. © Photo : Sotheby’s/Art digital studio.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°482 du 23 juin 2017, avec le titre suivant : Record mondial pour Soulages