Les antiquités égyptiennes couvrent un vaste domaine temporel, ce qui explique leur relative abondance sur le marché. Cependant, les pièces importantes se raréfient.
Bonaparte a-t-il vraiment prononcé le célèbre "Du haut de ces pyramides, quarante siècles vous contemplent" ? Historique ou apocryphe, le mot est inexact, car les premières manifestations de l’art égyptien sont – on le sait aujourd’hui – largement antérieures.
De longue date, l’Égypte a exercé une véritable fascination, d’où l’abondance, tant en Europe qu’aux États-Unis, d’œuvres qui y sont nées. Mais, comme pour la plupart des secteurs relevant de l’archéologie, une constatation s’impose : désormais, la source en est tarie, elles ne peuvent plus être exportées. Seuls les objets sortis depuis longtemps de leur pays d’origine alimentent actuellement le marché. Si l’on y ajoute la ponction opérée par les musées sur les pièces importantes, force est de constater la raréfaction des antiquités disponibles.
À partir de quelques milliers de francs
Ce phénomène explique à lui seul l’excellente tenue des prix. On en jugera à travers les prix d’adjudication de trois têtes en diorite de la XXXe dynastie : très mutilée, la première s’est vendue 93 500 dollars chez Sotheby’s en 1985 ; un an plus tard, Mes Pescheteau-Badin et Ferrien obtenaient 850 000 francs pour la seconde, malgré de légères mutilations ; quant à la troisième, remarquablement conservée, elle était adjugée 1 230 000 francs par Mes Delorme et Fraysse, en juin 1996. Or, ces pièces appartiennent à une époque tardive, en principe moins recherchée par les collectionneurs.
Mais intervient là un second facteur, important pour la compréhension du marché : chaque époque a produit des chefs-d’œuvre, malgré des baisses de niveau que l’on peut observer principalement aux époques intermédiaires ou tardives. L’acheteur éventuel devra donc se baser sur l’intérêt de l’objet convoité plutôt que sur le seul critère de sa date de création.
Pour le reste, l’achat d’une pièce égyptienne diffère peu de celui de toute autre œuvre archéologique, voire de toute œuvre d’art ancienne : le sujet, la rareté, les dimensions, l’époque, l’état de conservation en déterminent le prix. Seule caractéristique propre aux objets égyptiens, les éléments d’identification donnés par les hiéroglyphes figurant sur certaines pièces. En matière d’archéologie, les œuvres sont généralement anonymes (encore que l’on connaisse des vases grecs signés par leur décorateur). Ici, les inscriptions permettent souvent de rattacher les objets non à leur créateur mais à leur propriétaire, et ils bénéficieront d’une plus-value d’autant plus forte qu’on pourra les associer à un personnage important, surtout si ce dernier était pharaon ou fonctionnaire de haut rang.
L’état de conservation importe, lui, relativement peu car on admet volontiers que des pièces anciennes présentent des manques. Cependant, les mutilations ne doivent pas affecter de manière trop gênante la lisibilité de l’œuvre – ainsi la partie supérieure d’une sculpture cassée en deux, celle montrant la tête, vaudra-t-elle toujours plus cher que la partie inférieure –, ce n’est que simple bon sens. Il en va de même pour les restaurations, qui ne doivent pas avoir tenté "d’améliorer" l’œuvre originale au nom de critères esthétiques forcément subjectifs.
Pour le reste, et malgré l’inéluctable raréfaction des "grandes" pièces, l’amateur se voit encore offrir nombre d’œuvres intéressantes dans une gamme de prix débutant à quelques milliers de francs à peine, et tout laisse à penser que, dans ce domaine, un achat peut se révéler financièrement judicieux.
Chronologie sommaire
5500-3150 av. J.-C. : Période pré-dynastique.
3150-2700 av. J.-C. : Période thinite, 1ère et 2e dynasties
2700-2190 av. J.-C. : Ancien Empire, 3e à 6e dynastie
2200-2067 av. J.-C. : Première période intermédiaire, 7e à 10e dynastie
2040-1785 av. J.-C. : Moyen Empire, 11e et 12e dynasties
1785-1560 av. J.-C. : Deuxième période intermédiaire, 13e à 17e dynastie
1560-1069 av. J.-C. : Nouvel Empire, 18e à 20e dynastie
1069-702 av. J.-C. : Troisième période intermédiaire, 21e à 24e dynastie
747-343 av. J.-C. : Basse époque, 25e à 30e dynastie
334-323 : Alexandre le Grand.
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Quarante siècles à acheter
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- N. Grimal, Histoire de l’Égypte ancienne, Le Livre de Poche-références, éditions Fayard, Paris, 1988
- K. Michalowski, L’art de l’ancienne Égypte, éditions Mazenod, Paris, 1971
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°30 du 1 novembre 1996, avec le titre suivant : Quarante siècles à acheter