À l’occasion de la réouverture du Musée Picasso, Jean-François Cazeau expose des dessins, gravures, photos et autres documents privés issus de l’ancienne collection de Georges Tabaraud, ami de Picasso.
PARIS - Après avoir travaillé durant quinze ans avec son oncle Philippe Cazeau, disparu en 2007, au sein de la galerie Cazeau-Béraudière (sise avenue Matignon), Jean-François Cazeau s’est installé seul en 2009, rue Saint-Anastase, à quelques encablures du Musée Picasso. Le 25 octobre, le jour de la réouverture des portes de ce dernier, le galeriste a verni sa nouvelle exposition, afin de se « mettre en évidence et sortir de l’anonymat », lui qui avait inauguré sa galerie un mois seulement avant la fermeture du Musée, il y a cinq ans. « Picasso-Tabaraud, traces d’une amitié » regroupe une quarantaine d’œuvres – dessins, estampes, livres et photographies – provenant de l’ancienne collection de Georges Tabaraud (1915-2008), ami de Picasso, témoin du dernier tiers de la vie de l’artiste.
Journaliste, Tabaraud est d’abord rédacteur en chef du quotidien Patriote de Nice et du Sud-Est puis son directeur jusqu’en 1977. La rencontre avec Picasso a lieu en 1946 sur une plage de Golfe-Juan, juste après l’adhésion du peintre au Parti communiste français. Le peintre espagnol venait alors de s’installer sur la Côte d’Azur et, pour l’interviewer ce jour d’août 1946, seul restait disponible à la rédaction ce jeune journaliste, fraîchement sorti des maquis FTP. Cette rencontre allait donner naissance à une profonde amitié, liant les deux hommes jusqu’à la mort de Picasso en 1973. Une amitié de trente ans soutenue par des échanges presque quotidiens retracée par Georges Tabaraud dans un livre paru en 2002, Mes années Picasso (éd. Plon). À l’époque, cette parution avait déjà donné lieu à une première exposition à la galerie Cazeau-Béraudière.
Dons au « Patriote »
Picasso a réellement participé à la vie du Patriote, en véritable mécène. À chaque édition du carnaval de Nice, il réalisait pour la « une » une linogravure rehaussée ou bien une lithographie originale, et n’hésitait pas à faire don d’une telle œuvre lors des fins de mois difficiles du journal. Il laissait tous les droits sur la vente du tirage à Tabaraud, qui gardait précieusement les bons à tirer : Bacchanale en 1957, L’Écuyère en 1960, Footballeurs en 1961, Nature morte à la pastèque en 1962 et Vieux Roi en 1963. Ces deux dernières linogravures rehaussées font d’ailleurs partie de l’exposition, et sont proposées aux alentours de 30 000 euros. On peut également admirer Hommage à Gagarine : Picasso a réalisé plusieurs colombes et portraits du cosmonaute. Dans une lettre, présente dans l’exposition, il explique notamment qu’il offre le no 1 à Georges Tabaraud et lui demande de remettre le no 2 à l’ambassade de l’Union soviétique qui devra l’envoyer au gouvernement soviétique.
L’ensemble, cohérent et bien documenté, comprend aussi une épreuve d’artiste, Portrait de Jacqueline, tirée à 50 exemplaires (120 000 euros), ainsi qu’une gravure de Dora Maar de 1939 (60 000 euros) retrouvée chez Picasso après sa mort, ni signée ni numérotée, signifiant que l’artiste n’avait pas l’intention de la commercialiser. Ses héritiers, eux, n’ont pas hésité.
À ne pas manquer, trois linogravures provenant d’un ensemble de vingt, Nature morte sous la lampe (1962), un ensemble unique de qualité muséale, proposé à 500 000 euros. Est-il besoin de rappeler que l’œuvre gravé de Picasso est une œuvre à part entière ? La gravure Femme qui pleure, de 1937, a été adjugée 5 millions de dollars en 2011 (3,5 millions d’euros), un record pour une gravure.
À cette sélection s’ajoutent des portraits réalisés par Picasso de personnalités du PCF à l’exemple de Marcel Cachin et de Maurice Thorez, ainsi que des photos par André Villers (jusqu’à 20 000 euros). Point de tableaux, le journaliste n’en détenait pas. « Il n’y a plus d’expositions de tableaux de Picasso parce que l’on n’en trouve presque plus. Soit les collectionneurs les gardent, soit ils essaient d’établir des records en ventes publiques. Il est vrai que les prix ont flambé depuis 1997, avec la vente de la collection Ganz à New York en 1997, souligne Jean-François Cazeau. Pour un marchand, le but du métier est d’attirer les collectionneurs. Or Picasso interpelle. Alors si jamais je ne vends pas, ce n’est pas un problème, je pourrai toujours faire une plus-value plus tard, Picasso prend toujours de la valeur ! »
Nombre d’œuvres : env. 40
Prix : de 30 000 à 500 000 €
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Picasso à travers Tabaraud
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 20 décembre, Galerie Jean-François Cazeau, 8, rue Sainte-Anastase, 75003 Paris, tél 01 48 04 06 92, www.galeriejfcazeau.com
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°423 du 14 novembre 2014, avec le titre suivant : Picasso à travers Tabaraud