Un vent contemporain souffle sur la salon organisé du 15 au 18 novembre. Le salon porte un coup de projecteur aux photographes italiens en mal de reconnaissance.
S’il existe un salon dont la cote de popularité ne fléchit guère, c’est bien Paris Photo. La foire réussit même le miracle de transformer Paris en plaque tournante de la photographie, du moins le temps d’une semaine. Les chiffres sont pourtant sans appel. D’après Artprice, les parts de marché de la France dans ce domaine s’élèvent à 8,1 % sur les douze derniers mois contre 67 % pour les États-Unis. « Il n’y a qu’une seule capitale, c’est New York, et deux grandes villes de province, Paris et Londres, précise Grégory Leroy, spécialiste d’Artcurial. Mais Paris Photo est pour moi une chance inouïe, car il draine tous les gros collectionneurs étrangers. Le salon m’évite un ou deux voyages à New York. » Reste à voir si ce public américain sera présent malgré la forte baisse du dollar par rapport à l’euro. « Comme Photo Miami et Aipad Miami ont lieu deux semaines plus tard, pour certains Américains, il sera plus avantageux d’aller en Floride », observe le marchand Charles Isaacs (New York). L’absence éventuelle des clients d’outre-Atlantique, ou leur manque d’empressement à l’achat, n’écornera pas forcément l’activité des exposants venus pêcher des clients européens et pour certains, gonfler leur trésorerie en euros. « Nous vendons habituellement aux Européens, indique Tom Gitterman (New York). Je continue de penser qu’il y aura beaucoup de visiteurs américains, mais je ne pense pas qu’ils achèteront massivement auprès des marchands européens à cause du taux de change. »
Le contexte économique chaotique n’a pas dérouté les impétrants. Même un sceptique comme Rudolf Kicken (Berlin) a répondu présent. Celui-ci avait pourtant martelé que le marché photographique allait être absorbé par celui de l’art contemporain. « Nous avons décidé de revenir à l’Aipad et Paris Photo car nous avons réalisé que les conservateurs spécialisés dans la photo ne visitaient qu’une ou deux foires par an, et se concentraient sur celles consacrées à la photographie », précise Annette Kicken. Ce volant de visiteurs « photo photo » motive aussi l’arrivée des galeries d’art contemporain. « Certains commencent à collectionner avec de la photo, parce que ça les rassure, puis passent à d’autres médias. C’est une porte d’entrée qu’il ne faut pas négliger », remarque Dominique Fiat (Paris) en affichant Thomas Lélu, Rut Blees Luxembourg et Philippe Gronon. L’éthique et la dynamique toute particulière du salon ont pesé lourd dans le retour de Renos Xippas (Paris). « Même s’il s’agit aussi d’une foire organisée par Reed Exhibition France, le comportement des organisateurs n’a rien à voir avec celui de la FIAC [Foire Internationale d’Art Contemporain]. D’un côté je suis traité comme un client, de l’autre comme un malpropre », ironise le galeriste, dont l’accrochage fait la part belle à Vik Muniz, Vera Lutter et Petros Chrisostomou. On s’étonne néanmoins de l’absence de Michèle Chomette (Paris), écartée cette année par le comité de sélection. « Les organisateurs ont trouvé que l’accrochage de mes stands n’était pas à lecture rapide », regrette la galeriste.
Vers l’image animée
En mettant le braquet sur l’art actuel, cette édition étend timidement les limites de l’image fixe. À côté de la dernière série de photos d’Yto Barrada, Polaris (Paris) prévoit ainsi une vidéo d’Assaf Shoshan. Qui dit contemporain ne signifie pas forcément une rupture avec le noir et blanc. C’est d’ailleurs la tonalité choisie par Yvon Lambert (Paris), lequel prévoit un dialogue entre l’intimité de Warhol photographiant ses amis de la Factory et l’objectif désenchanté de Nan Goldin. Outre ce tropisme contemporain, la foire prend cette année les couleurs de l’Italie avec un Statement et un programme général dédié à la Botte (lire encadré). Un choix qui hisse le contingent transalpin à égalité avec celui des Américains. Ce focus braque les projecteurs sur des créateurs méconnus, ou des collectifs comme La Bussola, revendiquant en 1947 une vision subjective de la photographie. Ce point de vue émane directement des théories de l’Allemand Otto Steinert développées dans l’exposition « Subjektive Fotografie » en 1951. Le marché de Steinert, présenté par Kicken, et de ses émules reste encore confidentiel. « N’oubliez pas, le marché commence tout juste à apprécier la photographie américaine de la même époque d’artistes comme Callahan et Siskind », souligne Annette Kicken. Tom Gitterman a même choisi de mettre en miroir le travail de Siskind avec celui du Français Roger Catherineau, intégré dans Subjektive Fotografie. « Subjektive Fotografie est moins une définition qu’une exposition, avec une volonté englobante et panoramique », module toutefois Grégory Leroy. L’exploration de Paris Photo ne se limite pas aux périmètres classiques européens et américains. Le salon largue ainsi ses amarres du côté de l’Afrique du Sud, en intronisant la galerie Michael Stevenson (Le Cap). Celle-ci présente notamment les photos de transsexuels par Zanele Muholi et les scènes de foules dans les rallyes électoraux au Congo par Guy Tillim. Un regard aigu qui trouvera un écho chez Zwelethu Mthethwa présenté par Anne de Villepoix (Paris).
15-18 novembre, Carrousel du Louvre, 99, rue de Rivoli, 75001 Paris, tél. 0 892 692 694 (0,34 euro TTC la minute), www.paris photo.fr, les 15 et 17, 11h-20h, le 16 11h-21h, le 18 11h-19h. - Commissaire : Valérie Fougeirol - Nombre d’exposants : 104 - Tarif des stands : 320 euros le m2 - Nombre de visiteurs en 2006 : 40 000
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Paris Photo aux couleurs italiennes
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Abonnez-vous dès 1 €DIVA s’installe au Louvre des Antiquaires Après s’être alignée pendant deux ans sur la Foire Internationale d’Art Contemporain (FIAC), la foire de vidéo DIVA a choisi de s’accoler à Paris Photo du 15 au 18 novembre. Outre la proximité de calendrier, elle joue sur celle des lieux, en prenant ses quartiers dans le Louvre des Antiquaires voisin. « Cela nous évite de partager la vedette avec Slick et Show off, indique Thierry Alet, directeur du salon. Mais peut-être que l’année prochaine on reviendra aux dates de la FIAC. » Autre temps, autre lieu, autres exposants aussi, avec l’arrivée des Parisiens Gilles Peyroulet et Anton Weller. Reste à voir si ce changement aura un impact sur la qualité, jusque-là très approximative, du salon. www.divafair.com Des photographes italiens très discrets La situation de la photographie italienne rappelle fortement celle qu’occupait ce médium en France voilà une vingtaine d’années. Une morte plaine qu’expliquent les réticences des collectionneurs transalpins et l’absence de soutien institutionnel. « L’Italie n’a jamais eu les institutions capables de diffuser cette photographie, explique Valérie Fougeirol, commissaire de Paris Photo. Le néoréalisme dans la photographie a été aussi important que le cinéma, mais on ne lui a pas accordé la même importance. C’est une vision de l’Italie que les Italiens ont refusée. » Cette vision, la galerie Admira (Milan) la défend avec ténacité depuis une dizaine d’années. « Ces photos sont anthropologiques, indique Francesca Baccani, d’Admira. Les photographes constataient plus qu’ils ne dénonçaient, mais à l’époque fasciste, ils n’étaient pas bien considérés, car ils ne célébraient pas la grandeur de l’Italie. » La galerie Forma Centro Internazionale di Fotografia (Milan) met aussi en exergue une figure issue du néoréalisme, Gianni Berengo Gardin. Influencé par les humanistes français Willy Ronis et Robert Doisneau, Gardin n’a jamais dérogé de son regard documentaire. Plus formaliste est le travail tout en contraste de noirs et blancs profonds de Mario Giacomelli dont la galerie Fotografia Italiana Arte (Milan) affiche quelques échantillons. « Je crois à l’abstraction dans la mesure où elle me permet de m’approcher un peu plus du réel », disait le photographe. Toute sa vie, ce grand solitaire aura inlassablement recomposé ses images. De sorte qu’un même fil relie les rides des visages burinés des retraités et les sillons des terres labourées. Massimo Minini (Brescia) réunit pour sa part les portraits des artistes italiens des années 1970 saisis par l’objectif de leurs collègues photographes. « Cette collection crée une histoire de l’art contemporain, non pas à travers les œuvres, mais avec les visages, les modes, les comportements », explique Massimo Minini. Ce défilé d’artistes plus ou moins célèbres rappelle surtout à quel point les créateurs transalpins, en général, manquent d’une juste reconnaissance à l’échelle internationale.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°268 du 2 novembre 2007, avec le titre suivant : Paris Photo aux couleurs italiennes