Paris à l’heure de la littérature

Franc succès pour la dispersion de la bibliothèque de Gwenn-Aël Bolloré

Par Valentine Buvat · Le Journal des Arts

Le 22 février 2002 - 659 mots

Très attendue des amateurs, la vente de la bibliothèque littéraire de Gwenn-Aël Bolloré a créé l’événement sur le marché parisien. Véritable succès public, la première vacation de l’année 2002 de la maison Sotheby’s a fait salle comble, totalisant plus de 1,6 million d’euros pour 88 % de lots vendus. Le manuscrit original de Nord de Louis-Ferdinand Céline, un remarquable ensemble d’œuvres d’Henri Michaux ainsi qu’un exemplaire des Chants de Maldoror de Lautréamont illustré par Dalí­ faisaient partie des fleurons les plus attendus.

PARIS - Plus de 260 personnes étaient rassemblées dans la salle de vente de la galerie Charpentier, le 12 février, pour assister à la dispersion de la prestigieuse collection de Gwenn-Aël Bolloré. Constituée de 243 lots, la vacation était composée de plusieurs ensembles thématiques parmi lesquels un important rassemblement d’ouvrages d’Henri Michaux, ami intime du collectionneur, ou encore plusieurs manuscrits et éditions originales du groupe des Hussards.
L’ouverture de la vente présentait un ensemble d’œuvres appartenant à la littérature d’avant-guerre et comprenait une édition des Chants de Maldoror de Lautréamont, enrichie d’illustrations de Salvador Dalí : 27 dessins originaux, ainsi qu’une suite complète des 42 gravures en noir complétées de 12 épreuves supplémentaires signées par l’artiste. Unanimement reconnu comme étant le plus important livre surréaliste illustré, l’ouvrage a été acheté 340 000 euros par le libraire Jean-Claude Vrain, une somme proche de son estimation haute. Deux carnets de voyages manuscrits de Max Jacob étaient également proposés, le premier, souvenir d’un voyage en Italie, a été adjugé 12 000 euros, soit le double de son estimation basse, avant d’être préempté par la Ville de Quimper. Le second carnet, consacré à un voyage en Espagne, a été vendu 12 500 euros. Enfin, la remarquable réunion de volumes de Marcel Proust, rassemblant l’intégralité de À la recherche du temps perdu ainsi que d’autres œuvres, a atteint la somme de 18 500 euros, dépassant de peu son estimation haute.
La deuxième partie de la vente était consacrée au poète et artiste Henri Michaux dont les œuvres ont suscité l’enthousiasme général. La pièce la plus attendue, quinze pages manuscrites d’écriture mescalinienne, fragment de Misérable miracle, a établi le record mondial pour une œuvre de Michaux avec 137 375 euros, frais compris. Parmi les autres œuvres plébiscitées, dix dessins originaux signés pour l’illustration d’Entre centre et absence vendus 12 000 euros ; une édition originale illustrée d’estampes et de lithographies de Meidosems adjugé 26 500 euros pour une estimation haute de 6 000 euros ; l’exemplaire de tête unique sur papier torchon de Poésie pour pouvoir, estimé 9 à 12 000 euros et vendu 19 000, et un exemplaire de tête sur papier Japon d’Un certain Plume qui a quadruplé son estimation haute en étant acheté 18 000 euros.
Nord, le manuscrit autographe signé de Louis-Ferdinand Céline, était sans nul doute la pièce la plus importante de la vacation. Relié en quatre volumes à l’instigation de Gwenn-Aël Bolloré lui-même, cet exemplaire est le seul manuscrit connu de l’ouvrage, présentant un état du texte inédit, antérieur à la publication. Adjugé 345 000 euros, le clou de la vente a confirmé la rareté croissante des grands manuscrits littéraires sur le marché.
La fin de la vente était consacrée à la dispersion d’un ensemble de manuscrits et d’éditions rares du groupe des Hussards dont Gwenn-Aël Bolloré fut à la fois l’éditeur et le mécène. Parmi les pièces principales, le manuscrit des Enfants tristes de Roger Nimier a été vendu 40 000 euros. Plus qu’un simple manuscrit, il s’agissait d’un ensemble composé de trois volumes, obéissant à l’ordre choisi par Nimier lui-même, et présentant la genèse du roman : le manuscrit autographe, les pages supprimées et le tapuscrit.
Symptomatiques de la qualité des œuvres proposées au cours de la vente, des préemptions et achats ont été effectués par les bibliothèques municipales de Quimper, Orthez, Valenciennes, Saint-Brieuc, Vannes et Mayenne. Plusieurs auteurs ont ainsi été amenés à rejoindre de manière définitive les collections patrimoniales de leurs terres natales.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°143 du 22 février 2002, avec le titre suivant : Paris à l’heure de la littérature

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