Douze nouveaux records établis chez Christie’s, les 19 et 20 mai, pour des créations très contemporaines de Robert Gober, Matthew Barney ou Jeff Koons notamment, des enchères qui tutoient ou parfois dépassent la barre des 500 000 dollars. Et de bons résultats chez Sotheby’s, les 18 et 19 mai, pour des artistes plus classiques comme Freud, Calder ou Bacon. Quelques professionnels évoquent déjà des risques de surchauffe qui pourraient s’avérer dommageables pour le marché.
NEW YORK - Les prix n’en finissent plus de flamber. Depuis plus d’un an, les records se succèdent. Lors des ventes organisées par Christie’s les 19 et 20 mai, douze nouveaux records ont été enregistrés pour des œuvres de Jean-Michel Basquiat, Robert Gober, Andy Warhol et Richard Serra. La meilleure enchère est revenue à un Basquiat exécuté en 1982, à l’âge de 21 ans, pendant sa période la plus créative : estimé 305-450 000 dollars, Hammer and Sickle s’est vendu 882 500 dollars (5,4 millions de francs), confirmant la forte cote des œuvres de cet artiste mort en 1988. Un Autoportrait avait été adjugé 3,3 millions de dollars, le 12 novembre, chez Christie’s à New York. Philippe Ségalot, directeur mondial du département Art contemporain de l’auctioneer, avait alors considéré ce prix exceptionnel comme une anticipation du marché : “Si l’autoportrait ne vaut pas cette somme aujourd’hui, il la vaudra indubitablement très vite”. La seconde meilleure enchère est allée à une pièce étrange de Robert Gober, Untitle, Leg with candle, une jambe dans laquelle est plantée une bougie. Doublant son estimation haute, elle est partie à 794 500 dollars (4,9 millions de francs). Elle aurait été acquise par François Pinault, coiffant sur le poteau Simon de Pury, ancien directeur de Sotheby’s, et Anthony d’Offay. Les œuvres de cet artiste new-yorkais, né en 1954, faisaient jusqu’alors moins de 150 000 dollars en vente publique : 130 000 dollars à New York en mai 1995, 130 000 dollars un an plus tard, toujours à New York. La progression est encore plus nette si l’on compare les résultats récents à la cote de Gober il y a dix ans : entre 30 et 80 000 dollars, dix fois moins que le dernier prix obtenu chez Christie’s. “C’était une pièce très rare, précise Philippe Ségalot. Treize “jambes” ont été réalisées par Gober, dont une est conservée au Whitney Museum.”
Un Cindy Sherman à plus de 200 000 dollars
Au tableau des records du 19 mai figurent des œuvres de Richard Serra, Christopher Wool, Matthew Barney, Jeff Koons, Charles Ray, Andréas Gursky, John Currin, Mariko Mori et Cindy Sherman. La photographe a battu deux fois sa cote la plus haute, établie à 144 000 dollars à Londres, en décembre, deux de ses pièces étant adjugées 156 500 et 200 500 dollars. Sur les 47 lots vendus le premier jour, 29 sont partis au-dessus de leur estimation. “Nous avions sélectionné soigneusement les œuvres, comme si nous montions une exposition, en faisant attention à limiter le nombre de pièces de chaque artiste représenté pour ne pas risquer de heurter le marché. Nous avons eu un nombre élevé de nouveaux enchérisseurs”, analyse Philippe Ségalot.
Sotheby’s, qui présentait des œuvres plus classiques, les 18 et 19 mai, a réalisé sur les deux jours un chiffre d’affaires total plus élevé que celui de Christie’s (32 millions de dollars, contre 14 millions). Les meilleurs résultats ont été obtenus par des œuvres de Lucian Freud, Andy Warhol et Alexandre Calder. The Painter’s Mother, de Lucian Freud, a été adjugé plus de 3,3 millions de dollars à la Dover Street Gallery de Londres, tandis que Marlon (1966), d’Andy Warhol, pulvérisait son estimation de 100-150 000 dollars en atteignant 717 500 dollars, somme cependant très inférieure aux 17,3 millions de dollars enregistrés il y a un an par Orange Marilyn.
Que penser de ces résultats exceptionnels, particulièrement pour les créations les plus récentes des trente dernières années ? Le collectionneur et marchand Serge Aboukrat se montrait satisfait, sans toutefois cacher son inquiétude sur les risques d’un retournement du marché “si la tendance actuelle perdure pendant deux ans”. Le galeriste Thaddaeus Ropac partageait cette préoccupation : “Il y a certains signes inflationnistes alarmants – même si le marché est sélectif et solide –, notamment pour des pièces d’artistes comme Robert Gober et Matthew Barney qui produisent peu. Si les prix continuent à monter artificiellement, cela peut devenir un problème.” L’expert Marc Blondeau paraissait nettement plus confiant : “Il y a eu quelques résultats surprenants lors des ventes de New York. Mais il ne s’agit pas d’un mouvement spéculatif, plutôt de la reconnaissance à travers la vente publique de certains artistes importants des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix qui ont percé, issus de l’école californienne et de l’école de Londres. Il y a pu avoir quelques incohérences de prix que le marché devrait corriger. Le prix des Robert Gober et Matthew Barney étaient justifiés, comme ceux de Cindy Sherman, même s’ils peuvent apparaître excessifs pour des multiples.”
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New York brûle-t-il ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°86 du 2 juillet 1999, avec le titre suivant : New York brûle-t-il ?