Pourquoi votre père, Roberto Casamonti, et vous-même avez choisi d’ouvrir une galerie à Paris alors que vous en possédez déjà cinq en Italie et une en Suisse ?
Depuis deux ou trois ans, nous cherchions des opportunités adaptées à notre profil en dehors de l’Italie. Paris va nous donner une importante visibilité internationale. C’est une ville phare pour ses institutions et la quantité comme la qualité de nos confrères. On pense toujours au Paris de Picasso ou Chagall. Mais cette capitale a aussi été très importante dans l’histoire des artistes italiens que nous présentons, comme Lucio Fontana, Alberto Burri, Mimmo Rotella ou Enrico Baj. Le rapport de ces créateurs avec Paris est viscéral et peu connu.
Pour quelles raisons disposez-vous d’un si grand nombre d’espaces ?
Nous nous sommes rendu compte que le rôle d’une galerie avait évolué. À une époque, un collectionneur trouvait normal d’y passer deux heures. C’était un lieu de promotion culturelle, un endroit de discussion et de conseil. Peu à peu les habitudes ont changé. D’un autre côté, les foires sont devenues des lieux de rencontres condensées, où l’aspect vente est plus important que la promotion culturelle. Nous avons constaté que le facteur temps comptait désormais. Il nous a semblé naturel d’ouvrir des galeries là où les gens ont du temps, dans des lieux de villégiature comme à Crans-Montana (Suisse), Portofino et Forte dei Marmi (Italie). Là, les gens peuvent passer une après-midi dans la galerie, ce qui serait inconcevable à Milan. Les galeries de Milan, Venise et Florence sont ouvertes toute l’année ; à Forte dei Marmi, Crans et Portofino, le rythme est saisonnier. Nous y organisons en moyenne deux expositions thématiques par an. Ce dispositif nous a permis en dix à quinze ans de développer un grand réseau de collectionneurs fidèles. Car la vraie richesse d’une galerie, ce n’est pas seulement son stock, ce sont les collectionneurs qui nous stimulent et souvent nous apprennent des choses.
L’ouverture parisienne vous amènera-t-elle à modifier ce schéma ?
Pour l’instant nous gardons les espaces, mais il est possible que les choses soient restructurées. La galerie à Paris servira de baromètre. Bien sûr, plusieurs espaces génèrent des frais, mais nous les avons ouverts les uns après les autres, à chaque fois qu’un espace a acquis son autonomie.
N’est-il pas audacieux d’ouvrir une nouvelle galerie en temps de crise ?
Aucun opérateur ne peut nier la crise. Mais celle-ci n’a pas touché toutes les galeries ni tous les artistes de la même manière. Fontana n’a pas été affecté, ou de manière très marginale. En pleine crise, des tableaux ont pu atteindre 5 millions d’euros, ce qui semblait inimaginable en 2002 et 2003. Au cours des douze derniers mois, sa moyenne de prix a doublé par rapport à la période 2001-2004.
Pourquoi avez-vous choisi d’ouvrir le 1er octobre avec Lucio Fontana ?
La galerie a constamment travaillé avec cet artiste. Nous avons inauguré chacun de nos espaces avec une exposition Fontana. Il y a une question de continuité. C’est l’artiste pour lequel nous sommes le plus aptes à fournir une exposition de qualité. Il faut aussi mentionner l’amour de Fontana pour Paris. Pour différencier ses tableaux, l’artiste écrivait une phrase à leur dos. J’en ai trouvé vingt-deux traitant de Paris, parmi lesquelles celles-ci : « Aujourd’hui c’est le 1er octobre » et « Aujourd’hui je pars pour Paris ». Nous avions décidé d’ouvrir le 1er octobre. C’est une sorte de cercle magique. Nous allons montrer plus de soixante œuvres retraçant toutes les étapes de son travail. Nous avons voulu éviter un choix purement commercial – ne montrer que des fentes rouges par exemple. Nous sommes concentrés sur la partie la plus significative, les œuvres avec des trous, celles comportant des cailloux, sa série baroque, ses plâtres, ses fentes irrégulières de 1959 et 1960.
Qu’avez-vous prévu après Fontana ?
Il y aura sans doute à un moment ou à un autre une exposition Alighiero e Boetti. Une fois par an, j’aimerais aussi mettre un espace à disposition d’un collectionneur pour qu’il y montre sa collection. Il y aura à chaque fois dans cet ensemble quelques pièces à vendre.
Les artistes italiens vous semblent-ils assez reconnus ?
Ils commencent à l’être au plus haut niveau. Sur le plan du marché, il y aura encore un phénomène de croissance pour certains artistes. Alighiero e Boetti est un vrai géant de l’art international. Quand on juge de son influence sur les artistes contemporains, ses prix ne sont pas importants.
16, av. Matignon, 75008 Paris ; inauguration avec « Lucio Fontana - Je pars pour Paris», du 1er octobre au 10 décembre.
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Michele Casamonti, directeur de la galerie Tornabuoni Arte
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°308 du 4 septembre 2009, avec le titre suivant : Michele Casamonti, directeur de la galerie Tornabuoni Arte