La galerie Tatiana Tournemine, en collaboration avec la Fondazione Leo-Matiz à Milan, expose à Paris une série de 48 photographies réalisées par Leo Matiz (1917-1946), photographe colombien. Elles ont été exécutées à l’occasion de la création de la peinture murale de David Alfaro Siqueiros, Cuauhtemoc contre le mythe.
PARIS - Le muralisme mexicain a contribué à fonder les représentations de la nation autour de deux thèmes fédérateurs : la tradition précolombienne et la lutte des classes marxiste. Cette mise en place d’un art monumental public correspond métaphoriquement aux idéaux de la révolution. Siqueiros avait conçu sa peinture murale comme un grand projet cinématographique destiné à représenter l’histoire du Mexique depuis la conquête espagnole jusqu’à la révolution mexicaine de 1910. L’une des caractéristiques de l’image photographique de Matiz est l’aspect sculptural de ses personnages et son attachement au cinéma, ressenti au travers du cadrage et de la plasticité qui coïncident parfaitement avec la conception qu’avait Siqueiros du muralisme comme film tridimensionnel. Cette entreprise, l’une des plus ambitieuses du muralisme mexicain, engagea le peintre et le photographe dans une étroite collaboration. Afin de nourrir son œuvre du premier, Matiz arpenta le Mexique, rapportant plus de 500 photographies de déserts, cérémonies, marchés, coyotes morts et visages de paysans. Après une longue expédition en Amérique centrale comme reporter, Matiz revient à Mexico en 1947 à l’occasion d’une exposition consacrée à Siqueiros au Palais des beaux-arts. Plus de 70 peintures de chevalet furent exposées, toutes inspirées des photos de Matiz. Surpris de voir ses clichés détournés sur la toile et non sur les murs, Matiz fournit l’accablante accusation de plagiat contre Siqueiros : “C’est la première fois qu’un photographe accuse un peintre de plagiat parce que c’est la première fois qu’un peintre réputé et célèbre ose projeter la photo d’un ami, la remplir à sa façon de couleurs et, pour comble du malheur, ose l’exposer comme exclusivement sienne...” Les conséquences de l’inculpation furent graves ; les brigades de choc de Siqueiros intimidèrent Matiz, incendièrent son studio et l’obligèrent à fuir le Mexique. “Cette histoire entre deux fortes personnalités masculines, n’est pas sans évoquer le mythe d’Abel et Caïn”, déclare Camilo Racana, commissaire général de l’exposition. On remarquera notamment au sein de cette manifestation, qui comprend 48 photographies (vendues de7 000 à 15 000 francs), les étranges similitudes entre les œuvres de Siqueiros et Matiz dont témoigne l’image représentant des mains (15 000 francs) et celle de l’homme nu reprises par le peintre.
- Leo Matiz, jusqu’au 30 juillet, galerie Tatiana Tournemine, 34 rue du Faubourg Saint-Honoré, 75008 Paris, tél. 01 42 66 19 48.
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Matiz contre Siqueiros
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°130 du 29 juin 2001, avec le titre suivant : Matiz contre Siqueiros